complot franco-belge

Publié le 7 Juin 2009


Bonjour à tous


A l'heure où les européens votent pour élire leurs députés au parlement, je vous propose l'article passionnant du journaliste flamand Paul Huybrechts paru en mai 2009 dans De Morgen et repris dans Courrier International n° 969 du 28 mai 2009. Cette théorie d'un complot politico-économique et industriel dans lequel Nicolas Sarkozy lui-même serait impliqué est pour le moins troublante. Phrase-clé de l'article : "En Europe, les armées ont été remplacées par les entreprises"...


"Comment les Français ont fait main basse sur la Belgique :


Depuis plus de vingt ans, la France travaille à l’annexion économique du royaume voisin. Cette thèse un rien paranoïaque est très courante en Flandre et reprise par les quotidiens les plus sérieux, comme ici De Morgen.


Début mai, Electricité de France (EDF) acquérait 51 % de SPE-Luminus, qui est, après Suez GDF, le plus grand producteur d’électricité de Belgique. Et, si quelques holdings et municipalités décident de vendre elles aussi leurs participations dans SPE, 90 % du marché belge de l’électricité sera entre les mains des Français. Cette perspective assez réaliste a quelque peu choqué la Belgique, car le pays vient tout juste de céder deux de ses institutions bancaires à la France. L’impuissance de la classe politique belge risque bel et bien de faire de la Belgique une province française – nous avons déjà tant perdu au profit de la France au cours de ces vingt dernières années. Mon hypothèse est que la France est en train d’élaborer une vraie stratégie économique et culturelle à sa frontière nord. Je sais, il arrive souvent qu’on attribue à des esprits éclairés des stratégies qui ne sont en fait qu’une succession de coïncidences fortuites. Pourtant, j’ose écrire que la France jacobine a su faire preuve de cohérence au fil des ans et, quelle que soit l’appartenance politique de ses dirigeants, a su défendre et représenter ses intérêts nationaux.


Contrairement à la Belgique, qui, d’après son propre ministre des Affaires étrangères, “n’a pas de stratégie industrielle”, la France, elle, a bien une stratégie dans ce domaine. Quelque part à Paris, un QG chargé de la Belgique suit nos activités de très près. C’est probablement à ce guichet-là que des auteurs à succès comme Patrick Roegiers [écrivain et journaliste belge installé à Paris] ou José-Alain Fralon [correspondant du Monde à Bruxelles entre 1995 et 2001, auteur de plusieurs ouvrages sur la Belgique] tirent leur inspiration et leur documentation. Dans leurs livres, la Flandre est décrite comme un refuge de barbares fascisants, et le tout s’inscrit naturellement dans la guerre culturelle que mène la francité. Mais les Français sont plus malins que cela et voient plus grand : l’infrastructure détermine la superstructure, comme disait un philosophe allemand [Karl Marx]. L’économie a toujours le dernier mot.


Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne et la France ont décidé de ne plus s’affronter par les armes. En Europe, les armées ont été remplacées par les entreprises. Inutile de chercher une victoire militaire définitive lorsque les marchés de l’automobile, de la construction aéronautique et des nouvelles technologies permettent toutes les victoires et toutes les défaites. L’une des dernières en date est le leadership anglo-indien qui s’est imposé dans la sidérurgie.


Tous les fleurons belges tombent l’un après l’autre


La Flandre belge, pour sa part, a toujours joué l’opportunisme en développant un réseau dynamique de PME dans la chimie avec les Allemands, dans l’automobile avec les Américains et les Suédois, dans la sidérurgie avec le Luxembourg et beaucoup d’autres coopérations transnationales pour la gestion des eaux. La France a joué un rôle mineur dans cet essor économique flamand, même si Paribas [ancienne Banque de Paris et des Pays-Bas, Paribas a fusionné en 1999 avec la BNP] et quelques autres étaient bien présents sur le territoire. Les Français ont rapidement constaté que, même pour les nationalistes flamands fanatiques, le fait d’être antibelge pouvait aller de pair avec une francophilie active. Pour autant que vous laissiez les Flamands parler leur langue, il y a toujours moyen de faire du business avec eux. C’est avec l’acquisition par Suez de la Société générale de Belgique, en 1988, que les Français ont commencé à peser en Flandre. Puis, petit à petit, ils ont acquis les bastions belges l’un après l’autre : l’énergie, l’électricité, le gaz, le pétrole (Petrofina), la construction, l’ingénierie (Tractebel), l’assurance (AXA-Royale Belge). Le groupe Fortis est finalement tombé entre leurs mains en septembre 2008. Cette dernière crise bancaire, avec le rachat de Dexia et de Fortis, nous offre l’occasion de retracer la façon dont Paris gère son expansion économique. Comment l’élite française est-elle organisée ? Il existe des dizaines de livres sur les grandes écoles et les grandes familles, sur la manière exemplaire dont l’élite française attire à elle du sang neuf, sur le rôle d’associations et de clubs discrets tels que Le Siècle.


Le Siècle existe depuis plus d’une soixante d’années et est le rendez-vous mensuel de plusieurs centaines de décideurs francophones, dont la fine fleur de l’édition et de la presse. Parmi les quelques membres belges de ce club, on retrouve Etienne Davignon et Axel Miller (ex-PDG de Dexia). Quelques jours avant son licenciement, Miller avait évoqué une réunion de banquiers français qui avaient réagi à la faillite de Lehman Brothers en préparant quelques coups fourrés. Juste après, les deux institutions bancaires belges ont été attaquées en même temps et sur différents fronts. La situation de Dexia est devenue très difficile dès le 24 septembre ; le 26, les particuliers ont commencé à paniquer et ont retiré 3 milliards d’euros de leurs comptes de dépôt. Une broutille, si on compare cette somme aux 120 milliards de liquidités qui manquaient au même moment chez Fortis. Question : quelqu’un a-t-il donné l’ordre d’une attaque conjointe contre ces deux banques belges très vulnérables et qui étaient jugées trop importantes pour leur pays d’origine ? Chez Fortis, certains affirment que oui, d’autres que non. Après Lehman Brothers, les marchés ont tout simplement pris pour cible les établissements les plus vulnérables, estime un trader. Pourtant, il apparaît clairement que Paris a géré les problèmes de Fortis et de Dexia de manière coordonnée, à tel point qu’on peut même parler, à partir du 28 septembre, d’une stratégie française téléguidée directement depuis l’Elysée et mise en œuvre par le président français Nicolas Sarkozy lui-même.


Les Flamands ne seront plus qu’une minorité culturelle


Malgré toutes les querelles juridiques, la banque Fortis est désormais entrée dans des eaux plus calmes. Il existe même, depuis le 15 octobre, une garantie étatique permettant à la banque de sortir l’artillerie lourde. Pourtant, beaucoup de Belges ne voulaient pas des Français. Une proposition de banque adossée à l’Etat belge avait même réussi à séduire le nouveau Premier ministre belge, Herman Van Rompuy. Mais le président Sarkozy a rapidement dissipé les illusions des Belges. Le 28 avril, la troisième version de l’accord avec BNP Paribas décrochait le feu vert des autorités belges. Le rideau est tombé. La plus grande banque de dépôt belge est maintenant propriété des Français. A court terme, la solution pour Dexia passe également par la France. Si l’on regarde la composition du Bel-20 en 1999 [les vingt premières entreprises belges cotées à la Bourse de Bruxelles], 43 % appartiennent aujourd’hui à la France. La structure financière et industrielle de la Belgique est devenue essentiellement française. Pour les francophones de Belgique, Paris est plus que jamais l’épicentre du pouvoir. A l’instar de la communauté germanophone, les Flamands sont voués à devenir une minorité culturelle dans la sphère d’influence française".


http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_%C3%A9conomique


Tonton Daniel




Rédigé par tonton daniel

Publié dans #europe

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