Publié le 29 Octobre 2014
Bonjour à tous
Méconnu du grand public car trop peu médiatisé, l'atypique Pierre Rabhi reste néanmoins l'un des grands philosophes humanistes de notre époque. Originaire d'une région aride d'Afrique du nord, puis émigré en France où il deviendra agriculteur dans un environnement inhospitalier et une période chaotique, il entrera en résistance pour faire comprendre qu'il faut travailler pour vivre et non l'inverse. Avec la patience du jardinier et la sagesse du paysan, il milite depuis longtemps pour l'émergence d'un nouveau modèle de Société centrée sur l'individu et sur le respect de l'Environnement. Moins radical qu'un sadhu indien, tout à la fois Epicure, Karl Marx, Stéphane Hessel et José Bové, Pierre Rabhi semble vouloir importer en occident le principe du "bonheur national brut" mis en place au Bhoutan dans les années 70. Ecrit dans un style très fluide, "Vers la sobriété heureuse" est l'un de ses nombreux manifestes pour la modération et contre le pouvoir de l'argent et se révèle être une analyse extraordinairement lucide des mécanismes sociaux, politiques, économiques, religieux et scientifiques du moment.
Fort de son expérience, il dénonce le monde de la finance générant fantasmes, jalousie et frustration, fustige la consommation à outrance, le gaspillage, la publicité et la mondialisation, affronte les notions d'être et d'avoir, oppose la mobilité professionnelle à l'enracinement terrien, pointe du doigt les bouleversements climatiques et les échecs récents du système capitaliste, relève la place défavorisée des femmes dans nombre de cultures et notre dépendance aux outils informatiques et télématiques. Regrettant le silence perdu, il dénonce également l'agitation, la rapidité, la vitesse, la frénésie et l'"éphémérité" de la civilisation moderne incompatibles avec l'idée de pérennité et le concept de Culture. Sur le modèle de la "bulle financière", il invente d'ailleurs le concept de "bulle temporelle", opposant "l'heure des horloges et des montres" au "temps savouré" et à l'éternité... Usant de symboles forts et émaillant son récit de quelques anecdotes personnelles, il rappelle que la Nature n'a pas de poubelles et n'hésite pas à comparer la cravate comme une laisse ou un noeud coulant tenus par la célèbre "main invisible", concept créé par Adam Smith dans "La richesse des nations" !
Face à ce constat, il soutient une "décroissance soutenable", replace l'Homme au centre de la Nature, milite pour la transmission d'un savoir pragmatique, envisage l'accès à l'information comme un gage de liberté, considère le cycle de la vie et le mystère de la mort comme des évidences naturelles dont il ne faut pas avoir peur. Education, pédagogie, agroécologie, sobriété... les solutions concrètes ne manquent pas pour Pierre Rabhi qui n'est pas un théoricien mais un autodidacte ayant mis ses idées en pratique depuis très longtemps. Le seul reproche qu'on pourrait lui faire : avoir eu cinq enfants, chiffre aujourd'hui considéré comme peu responsable par beaucoup de démographes et d'écologistes ! Mais nul n'est parfait, n'est-ce pas ?
Pour terminer, je recopie la formidable parabole amérindienne du colibri qui clôt l'ouvrage et que Pierre Rabhi raconte souvent. Comprenne qui pourra ou qui voudra !
"Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt.
Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre.
Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu.
Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit :
"Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !"
Et le colibri lui répondit : "Je le sais, mais je fais ma part."
Tonton Daniel
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Rabhi
http://tontondaniel.over-blog.com/article-indignez-vous-65122010.html