chiisme 2

Publié le 22 Février 2007


Bonjour à tous

En complément de mon article d'hier, voici un article passionnant du journaliste
Alexandre Adler, "L'énigme chiite" daté du 10 août 2006 et glané sur le net :

"L'énigme chiite", par Alexandre Adler :

"Le chiisme est aujourd'hui un véritable casse-tête pour les analystes.
Qu'on en juge plutôt : les chiites libanais sont le fer de lance d'une offensive tout à la fois intégriste
et panarabe dirigée contre Israël et, expressis verbis, contre les États-Unis.
 Dans le même temps, les chiites irakiens demeurent la base populaire la plus importante de la présence
américaine en Irak. Les chiites du Pakistan, de l'Inde, du golfe Persique et de Turquie (les Alevis)
sont au contraire les artisans de la laïcisation de l'islam.
Et les chiites iraniens se disputent très ouvertement entre écoles théologiques rivales,
 dont certaines prônent une quasi-séparation du spirituel et du temporel, d'autres la théocratie la plus absolue.
 
(...) Mais le problème n'est pas seulement théologique ou culturel,
il est directement politique, et c'est même la clef la plus importante pour comprendre la situation actuelle.
 
Les deux versions opposées du chiisme partent de deux sources bien distinctes.
 À l'est, l'intégrisme sunnite indo-pakistanais a ciblé, depuis fort longtemps, le chiisme local comme
une doctrine «semi-païenne». Or, il se trouve que de Jinnah à la famille Bhutto, nombreux sont les chiites
à avoir participé dans un rôle de premier plan à la naissance et au développement du Pakistan,
tandis que d'autres aristocrates de même obédience ont demeuré dans des positions enviées en Inde.
 L'idéologie populiste et intolérante d'une armée pakistanaise de plus en plus influencée par
l'Arabie saoudite aura fait le reste. La persécution des chiites est l'article de foi numéro un des talibans
et de leur soutien saoudo-pakistanais.
 
Tout à l'opposé, se situe la doctrine d'une partie de l'intégrisme iranien qui, derrière l'association
 du clergé combattant, contrôle une bonne part de l'État persan..
 Pour cette génération de clercs formés dans la haine tout ensemble du régime impérial et du marxisme,
la source principale d'inspiration a souvent été sunnite, celle des Frères musulmans égyptiens.
 Nous retrouvons intacts ces deux courants dans la mêlée actuelle.
 Le président iranien Ahmadinejad, héritier explicite du clergé combattant du défunt ayatollah Behechti,
 voudrait à toute force effacer le conflit sunnite-chiite qu'attisent, au contraire, Pakistanais et Saoudiens.
 
L'actuelle situation confine en ce moment même au surréalisme, mais sans doute pas pour très longtemps.
La faction intégriste au pouvoir à Téhéran a, par exemple, libéré un fils de Ben Laden, Saad – qui était placé
jusqu'à présent en résidence surveillée à Yazd, au centre de l'Iran –, afin de prôner la solidarité des
 intégristes sunnites avec le combat du Hezbollah libanais.
Il est vrai que, depuis leurs cachettes, Ben Laden père et son associé égyptien Zawahiri n'ont cessé d'émettre
 des réserves sur la systématicité antichiite des actions que menait, en ayant usurpé leur autorité,
 le Jordanien Zarqaoui sur le terrain irakien. Cela dit, les deux auteurs du 11 Septembre sont trop
 tributaires de leurs hôtes civils et militaires pakistanais pour pouvoir pousser trop loin le rappel à l'unité,
 de même que les sympathies évidentes des Frères musulmans égyptiens et du Hamas palestinien pour le nouveau cours
 terroriste de l'État iranien ne parviennent toujours pas à faire cesser l'affrontement entre sunnites et
 chiites, à Bagdad.
 
Il y a des raisons secondaires à la poursuite de cet affrontement, telles que l'intervention discrète de
subsides saoudo-pakistanais foncièrement antichiites. De même, un certain nombre d'éléments chiites libéraux,
derrière Allaoui et Chalabi, ne sont pas mécontents que la minorité sunnite d'Irak se soit d'elle-même enfermée
dans une attente sanglante et sectaire (bien plus meurtrière évidemment que l'actuelle contre-offensive israélienne,
 au Liban). Toutefois, la cause principale ne tient pas à telle ou telle conspiration externe, mais tout simplement
 à la volonté d'une large majorité chiite du pays, longtemps bafouée, et par ailleurs détentrice des véritables
 lieux saints de leur croyance, de relever enfin la tête. Il s'agit là d'une logique redoutable pour une fraction
de la mollahcratie iranienne. Si le grand ayatollah Sistani, qui est lui-même iranien, réussit en Irak, il aura
démontré qu'une culture religieuse chiite majoritaire peut s'affirmer dans le cadre d'institutions électorales
 sincères et d'une liberté religieuse certaine, tout en renforçant pacifiquement le rôle du clergé.
Ce programme, c'est tout simplement celui des progressistes iraniens de l'ancien président Khatami et de son frère,
et celui-là même, de plus en plus clairement, des pragmatiques à la Rafsandjani.
 
En politique extérieure, ce grand tournant implique le succès de la démocratie libanaise, la victoire d'éléments
pragmatiques en Syrie et aussi en Arabie saoudite, l'alliance stratégique et économique avec la Turquie et, surtout,
l'association avec les États-Unis, à Bagdad et à Kaboul aujourd'hui, très évidemment à Beyrouth et à Ramallah demain.
 Devant une telle menace potentielle de renversement des alliances au Moyen-Orient, on comprend mieux que ceux
qui savent déjà qu'ils y seront sacrifiés à Téhéran aient pu demander à leurs amis du Hezbollah libanais
d'interrompre cette évolution si dangereuse. Au risque, bien sûr, de faire perdre à Nasrallah et aux siens tout
 ce qu'ils avaient laborieusement gagné au Liban, en se refusant depuis deux ans à jouer le rôle de police
 supplétive de la Syrie."

Tonton Daniel

Rédigé par tonton daniel

Publié dans #religion

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