sodoma, enquête au coeur du vatican

Publié le 29 Juin 2019


Bonjour à tous

En couverture, un cierge, objet symbolique, doublement phallique et religieux, orné d'un titre provocateur, agressif et précis, une référence biblique sans équivoque à l'Ancien Testament. Traduit dans plusieurs langues et sorti simultanément dans de nombreux pays, le dernier ouvrage du journaliste et écrivain Frédéric Martel, "Sodoma : enquête au cœur du Vatican", dévoile en pleine lumière et sur 600 pages l'un des plus grands secrets de l'Eglise catholique, l'homosexualité d'une grande majorité des prélats de la curie romaine. Un de ces ouvrages au titre et au contenu sulfureux qui finissaient autrefois à l'Index ou dans "l'enfer" des bibliothèques !

Le propos de l'auteur, bien introduit dans le milieu, n'est pas de pointer du doigt une orientation sexuelle au demeurant très naturelle ou "d'outer" des individus en particulier, mais de rechercher la vérité sur un "système", de dénoncer l'hypocrisie, la misogynie, la schizophrénie et la surprenante homophobie déclarée du Vatican, de révéler les apparences trompeuses, la "culture du secret" et la "conspiration du silence" qui ont entraîné au fil du temps, entre autres effets secondaires, le concubinage secret d'innombrables prêtres, le silence sur la pédophilie, l'exploitation servile et les abus sexuels subis par de nombreuses religieuses. 

Basée sur les témoignages et confessions de très nombreux cardinaux, évêques, prêtres et nonces apostoliques souvent eux-mêmes "de la paroisse", l'enquête explique dès l'introduction le choix du sacerdoce comme une échappatoire au mariage offerte depuis des siècles par une institution structurée et protectrice permettant aussi une reconnaissance sociale et la protection d'un refuge quasi "familial". Quant à l'homophobie paradoxale de cette curie à dominante gay, elle est simplement expliquée par le déni de toute déviation et la jalousie envers ceux qui sont libres de toute contrainte morale.

Selon la personnalité de ses membres, l'homosexualité s'exprime au Vatican de différentes manières. Abstinence, chasteté ou sublimation d'instincts refoulés, mais aussi drague sur internet, pratiques au grand jour, recrutement à Rome de prostitués masculins parmi les immigrants clandestins, tourisme sexuel et allers-retours vers l'Asie, l'Afrique, le Maghreb et l'Amérique latine ! L'auteur affirme d'ailleurs que "le SIDA a fait des ravages au saint-siège durant les années 1980 et 1990" !

Au fil des pages de ce théâtre d'ombres dont les femmes sont totalement absentes mais où se croisent les fantômes de Proust, Pasolini, Michel-Ange, Rimbaud, Gide, Bacon ou Peyrefitte, les portraits des derniers papes depuis Paul VI font frémir ! Jean-Paul II apparaît comme un conservateur plein de raideur, Benoit XVI est un "homophile ascétique" et un "grand inquisiteur" dont le règne marque le triomphe d'une idéologie anachronique, d'une rigidité sans faille et d'une théologie dogmatique incompatibles avec le pragmatisme moderne d'une Société LGBTIQ+, diverse et tolérante, règne qui se conclura par un renoncement aussi opaque et incompréhensible qu'un trou noir. Quant à François, son impuissance initiale va très vite laisser place à un durcissement et à une volonté de réforme, à une libération de la parole, à une reprise en main, lente, progressive, silencieuse contre tous les débordements idéologiques, les scandales financiers, les abus sexuels et les collusions politiques.

Sodoma est aussi un livre d'histoire contemporaine dans lequel on retrouvera la dictature de Pinochet, le syndicat Solidarnosc, la chute du mur de Berlin, l'anticommunisme primaire, les connivences avec les ultra-droites américaine et européennes, le régime cubain des frères Castro, la "Théologie de la libération" et les luttes entre pouvoirs politiques et courants religieux en Amérique latine. Où l'on (re)découvre aussi les archives secrètes et les dossiers sensibles conservés à la secrétairerie d'Etat, les guerres internes entre factions, le cléricalisme tendancieux, le mensonge institutionnalisé, les trafics d'influence, le jeu des affinités et des protections hiérarchiques, les "rumeurs, médisances, règlements de comptes et vengeances" fréquents au Saint-Siège... 

En filigrane, Frédéric Martel pointe enfin du doigt les positions et les discours ecclésiastiques traditionnels, le célibat imposé, le rejet du préservatif, la condamnation de l'avortement, du mariage pour tous et de la théorie du genre qui expliquent la déchirure irréparable entre l'Eglise et la société des hommes. Malgré un style très fluide et des arguments pénétrants, on pourra juste reprocher au livre son titre qui restreint trop souvent l'homosexualité à une simple pratique hors de tout sentiment et il faut attendre l'épilogue pour évoquer la normalité de couples durables et heureux. Dans ce déluge de sacrilèges, l'un des moments les plus humains du récit reste d'ailleurs le témoignage d'un escort napolitain qui laisse entrevoir avec beaucoup de sensibilité les frustrations, la fragilité et la détresse de nombreux prêtres soumis à leurs passions temporelles.

L'apparition d'un arc-en-ciel dans les nuées vaticanes et la lecture de cet OVNI littéraire provoqueront sans doute ahurissement, colère et interrogations.
Comme beaucoup d'autres, les voies du Seigneur sont impénétrables !

Tonton Daniel
 

sodoma, enquête au coeur du vatican

Rédigé par tonton daniel

Publié dans #littérature, #religion, #secrets et mystères, #sexualité

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