printemps silencieux

Publié le 4 Novembre 2023

"Nous sommes à l'âge du poison" déclarait dès 1962 la biologiste américaine Rachel Carson. Seule contre tous, lanceuse d'alerte avant l'heure, la scientifique visionnaire signait cette année-là "Printemps silencieux" (Silent Spring), succès international traduit en seize langues et vendu rapidement à deux millions d'exemplaires, ouvrage fondateur de la pensée écologiste, à l'origine de la création de l'Agence américaine de protection de l’environnement en 1970.

Extraordinairement documenté, fourmillant d'exemples concrets, de références, de noms, de dates, de faits réels, ce titre culte dénonçait l'usage massif, systématique et aberrant dans les campagnes américaines de produits chimiques de synthèse à usage de pesticides à large spectre, dits encore non sélectifs (insecticides, fongicides et herbicides). La liste de ces pesticides et des molécules qui les composent est interminable, hydrocarbures et naphtalènes chlorés (DDT, chlordécone, chlordane, lindane, heptachlore, aldrine, dieldrine, toxaphène...), phosphates et phosphorés organiques (malathion, parathion, glyphosate...), triazoles, carbamates, composés à l'arsenic, etc...

Après diffusions souvent massives et répétées dans les champs et sur les arbres, toutes ces substances tuent indistinctement et à plus ou moins long terme parasites et insectes pollinisateurs, abeilles, coccinelles et papillons, oiseaux et "mauvaises herbes", poissons et crustacés dans les cours d'eau, bactéries, champignons et vers de terre dans le sous-sol... Tous rejoignent nappes phréatiques et rivières, persistent longtemps dans l'environnement et s'accumulent le long des chaînes alimentaires jusqu'à l'Homme. Enfin, nombre d'entre eux sont soupçonnés d'engendrer mutations génétiques et chromosomiques et de favoriser ainsi chez les insectes une résistance à tout traitement et chez l'être humain infertilité et cancers.

La liste des coupables est bien longue elle aussi. Coupables, les industriels qui jouent aux petits chimistes inconscients et subventionnent la recherche sans aucun scrupule. Coupables, les administrations et autorités publiques négligentes, incompétentes, coupables de désinformation, soucieuses d'intérêts économiques privés et industriels. Coupables, tous ceux qui troublent volontairement "l'ordre établi de la Nature" en dépit du bon sens. En partie interdit grâce au livre dans de nombreux pays dès les années 1970, le DDT est toujours présent dans certains sols en raison de sa persistance élevée. Soixante ans après la parution du texte, de nouveaux produits tout aussi terrifiants et dévastateurs ont été commercialisés. Depuis les années 1990, les insecticides systémiques comme les néonicotinoïdes à base de soufre ou de chlore ont remplacé le DDT et ses complices, faisant naître de nouvelles craintes et de nouveaux combats !

Heureusement, une voix isolée s'élève parfois et arrive à se faire entendre. Afin de remplacer ces poisons que l'auteure qualifie de "biocides" et retrouver des printemps pleins de chants d'oiseaux, de nombreuses solutions existent : "observer et imiter la Nature", laisser agir les prédateurs naturels des nuisibles, utiliser "des méthodes et des réponses biologiques et non chimiques" éprouvées par les générations précédentes, éviter les monocultures, réapprendre la patience, ne pas "vouloir contrôler la Nature", accepter de perdre une petite partie des récoltes, regrouper citoyens, consommateurs et victimes dans une "société civile" organisée afin d'influencer les politiques gouvernementales, enseigner et rappeler au public que "l'Homme appartient lui aussi à la Nature"... Et enfin, relire "Printemps silencieux", à la fois enquête édifiante et courageuse et portrait d'un Homo sapiens bête à pleurer !

Tonton Daniel
 

printemps silencieux

Rédigé par tonton daniel

Publié dans #littérature, #environnement, #zoologie, #homo absurdus

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