japon pauvre

Publié le 18 Janvier 2009


Bonjour à tous

Après l'Amérique pauvre (http://tontondaniel.over-blog.com/article-4292657.html) et l'Allemagne pauvre (http://tontondaniel.over-blog.com/article-20227997.html), voici le Japon pauvre, article dont le sujet aurait paru invraisemblable dans les années 80, et dans lequel on apprend par exemple que des retraités commettent volontairement des délits pour aller en prison et y manger à leur faim...

Source : le Tokyo Shimbun repris par Courrier International n° 949 du 8 janvier 2009 :

"Quand la crise fragilise les classes moyennes :

Au Japon, comme dans le reste des pays riches, on assiste à un phénomène massif de paupérisation dont les gouvernements ne prennent pas toujours la mesure.

Un employé expérimenté d’un supermarché constate que de plus en plus de personnes âgées vérifient avec inquiétude le contenu de leur porte-monnaie à la caisse quand le montant de leurs achats dépasse de quelques dizaines de yens [quelques dizaines de centimes d’euro] ce qu’ils ont prévu. Le dernier Livre blanc sur la criminalité relève qu’une part croissante de Japonais de plus de 65 ans, qui souffrent d’isolement social et de difficultés économiques, commettent des délits. Certains d’entre eux, poussés par la faim, récidivent dans le but de retourner en prison. Une tendance que le Premier ministre, Taro Aso, qui passe ses soirées dans les bars de luxueux hôtels [voir CI n° 939, du 30 octobre 2008], ne semble pas en mesure de saisir.

Ces derniers temps, le phénomène des travailleurs pauvres s’est rapidement développé dans le pays, touchant principalement les jeunes. Aujourd’hui, plus de 10 millions de travailleurs du secteur privé gagnent moins de 2 millions de yens [16 000 euros] par an. En 2007, 7 300 personnes se sont donné la mort pour des raisons économiques. Les réformes néolibérales réalisées sous le gouvernement de Junichiro Koizumi (2001-2006) ont permis aux entreprises de recourir facilement à une main-d’œuvre bon marché, embauchée en CDD ou comme intérimaire. Cela leur a permis d’ajuster à leur guise les salaires. Résultat : le travail peu rémunéré et précaire s’est répandu sur le marché de l’emploi. A l’heure actuelle, près de 20 millions de travailleurs, autrement dit plus de 35 % de la population active, occupent un emploi précaire. Grâce à la contribution de cette main-d’œuvre flexible et bon marché, la plupart des entreprises ont réalisé d’énormes profits. Une enquête réalisée par le ministère de la Santé et du Travail révèle qu’un intérimaire sur deux déclare préférer un emploi en CDI. Contrairement à ce que prétendent certains politiciens, ce n’est donc pas de gaieté de cœur qu’ils se tournent vers l’intérim.

35 % des actifs japonais ont un emploi précaire

Or, entre l’augmentation incessante des charges salariales et la réduction constante des prestations, le système de protection sociale – qui devrait offrir un filet de sécurité à ces personnes en situation précaire – ne remplit plus suffisamment son rôle. Une réaction de paupérisation en chaîne est en train de se produire. Ne bénéficiant pas d’assistance quand elles n’ont pas suffisamment de revenus pour subsister, ces personnes démunies voient fondre leurs économies et perdent peu à peu leurs liens familiaux et leur logement. La pauvreté se transmet de génération en génération et se reproduit en s’amplifiant. Née de la défaillance structurelle de la société, cette situation doit être considérée comme une violation des droits de l’homme. L’article 13 de la Constitution japonaise prévoit que tout citoyen doit conserver sa dignité et qu’il convient de respecter au maximum son droit à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur. L’article 27, quant à lui, garantit le droit de travailler de manière décente dans des conditions de travail légales, tandis que l’article 25 définit le droit au maintien d’un niveau minimum de vie matérielle et culturelle. La Constitution est un texte fixant non seulement les droits des citoyens, mais aussi les devoirs et la responsabilité de l’Etat et du gouvernement. Tout individu a donc le droit de sortir de la pauvreté et de vivre décemment, et le gouvernement a la responsabilité de mettre en œuvre les moyens nécessaires.

Evoquer la responsabilité individuelle sans améliorer un environnement social général qui ne permet pas à tout citoyen de mener une vie décente malgré ses efforts signifie un non-respect des droits fondamentaux. Le devoir du gouvernement n’est pas d’organiser la charité, mais de créer les conditions permettant aux citoyens d’exercer leurs droits et d’éliminer les causes qui empêchent ces derniers de le faire. Or la politique actuelle est loin de s’engager sur cette voie. La prime forfaitaire que le gouvernement a décidé de distribuer à tous les citoyens sans prendre en considération leurs revenus est une bonne illustration de la dérive actuelle de la politique. Cette prime a peut-être rappelé chez certains citoyens âgés les distributions de chocolat, au lendemain de la reddition du Japon, en 1945, effectuées par les soldats américains d’occupation à travers les fenêtres de leur véhicule. Quoi qu’il en soit, en raison de son caractère hasardeux, cette aide risque fort de ne pas parvenir à ceux qui en ont véritablement besoin. Quant au projet de loi interdisant le travail intérimaire journalier qui oblige les intéressés à accepter des tâches dangereuses pour une rémunération très basse, Dieu sait quand il sera adopté étant donné la confusion qui règne à la Diète. Il est probable que le droit des plus démunis est le dernier des soucis du Premier ministre.

Il est vrai que les conséquences néfastes des réformes ont commencé à susciter des réflexions en 2007. Toutefois, la crise mondiale qui a éclaté cet automne a tendance à reléguer au second plan toute réflexion sur la paupérisation de masse. On prévoit que le nombre de travailleurs en CDD et intérimaires qui perdront leur emploi d’ici à avril 2009 dépassera le seuil des 30 000, notamment dans l’industrie automobile. Le ministère de la Santé et du Travail, qui vient de mettre en place une cellule de crise, ne doit pas oublier les droits constitutionnels des travailleurs. Il est temps que le gouvernement s’attelle à la fois au marché du travail et au système de protection sociale, de manière à permettre à tout citoyen de vivre dans la dignité. Pour ce faire, nous devons considérer la lutte contre la pauvreté non comme une charité, mais comme un droit de l’homme. Il est indispensable que les responsables politiques comme les décideurs économiques changent leur mode de pensée". 

http://www.rfi.fr/actufr/articles/109/article_76856.asp

Tonton Daniel

Les SDF dans un parc de Tokyo :



Rédigé par tonton daniel

Publié dans #japon

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