Publié le 5 Juillet 2009
Bonjour à tous
Paradoxalement, c'est dans le train revenant de Limoges où il passa son bac en 1940 que j'ai croisé la route de M. Claude de Kémoularia en mars dernier. Paradoxe, car le titre de son
auto-biographie "Une vie à tire-d'aile" évoque plutôt les nombreux trajets en avion de ce grand voyageur, tour à tour diplomate, banquier et confident des puissants. Une carrière extraordinaire,
des rencontres inoubliables, un fabuleux carnet d'adresses en forme de Bottin Mondain, des anecdotes croustillantes... embarquons avec ce "VRP de la France et de la paix" !
Le voyage commence dans sa Géorgie natale en 1922, qu'il quittera avec ses parents pour la France mais sans jamais l'oublier, au point d'y retourner et de l'évoquer plus tard avec ses
compatriotes Edouard Chevarnadze et Mikhael Sakachvili.
Première étape : le hasard des rencontres d'après-guerre et son diplôme de "Sciences Po" en poche, il débute en 1946 comme chef de cabinet de Paul Reynaud. Le président du Conseil des ministres
deviendra son guide, son exemple, son mentor et son ami. Outre Paul Reynaud, c'est tout l'échiquier politique français que va rencontrer Claude de Kémoularia dans sa carrière : François
Mitterrand qui deviendra un ami personnel, René Coty, le général De Gaulle, Jean Monnet, Valéry Giscard d'Estaing, Simone Veil...
Le voyage continue aux Etats-Unis où il devient attaché au cabinet du Secrétaire Général des Nations Unies Dag Hammarskjöld de 1957 à 1961. A ce poste, et toujours en déplacement, il dinera avec
David Ben Gourion et Golda Meir, croisera Eleanor Roosevelt et Maurice Chevalier, rendra visite aux présidents Truman et Nixon, rencontrera Greta Garbo et Marlene Dietrich, mais sans oublier la
Diplomatie : Félix Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, Tchang Kaï-Chek ou le premier ministre indien Nehru seront quelques-uns des dirigeants avec qui il s'entretiendra à cette période.
Retraversons l'Atlantique où nous retrouvons M. de Kémoularia à Monaco où il travaille comme directeur de cabinet du Prince Rainier de 1966 à 1967. C'est lui qui permettra au prince de se
débarasser de la tutelle envahissante d'Aristote Onassis. A Monaco il côtoiera les têtes couronnées, les stars et les grands de ce monde, la princesse Grace en premier lieu, mais aussi Juan
Carlos, Norodom Sihanouk ou Winston Churchill...
Grâce à son poste de conseiller à la banque Paribas, Claude de Kémoularia sera ensuite amené à parcourir le monde arabe et à nouveau l'Afrique, rencontrant dirigeants politiques et stars de la
finance, Saddam Hussein, les rois Fahd et Fayçal, les présidents Omar Bongo et Léopold Senghor, l'empereur Hailé Sélassié, David et Nelson Rockefeller... C'est en déplacement à Téhéran qu'il
vivra ainsi le début de la révolution iranienne aux côtés du Shah d'Iran !
Nouvelle escale en Europe, chez la reine Beatrix, quand il est nommé ambassadeur de France aux Pays-Bas de 1982 à 1984 par son ami le président François Mitterrand. Entre deux avions et entre
deux pages, ce grand témoin va croiser également quelques stars comme Shirley Mac Laine, Errol Flynn, Peter O'toole, Elisabeth Taylor ou Mistlav Rostropovitch qui deviendra lui aussi un ami !
L'étape la plus prestigieuse le conduit à nouveau aux USA où ce pro-américain convaincu sera le représentant permanent de la France aux Nations Unies de 1985 à 1987, puis président du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, ce qu'il évoquera avec fierté et nostalgie lors de notre brève rencontre dans le Limoges-Paris. Il développe à cette occasion des relations très cordiales avec
Benyamin Netanyahou et Shimon Peres et cite souvent ses anciens et prestigieux collègues de l'ONU Boutros Boutros-Ghali ou Javier Pérez de Cuellar : " Il ne faut jamais négocier en public, et
c'est hélas la grande faiblesse des démocraties !"
Ayant refusé une offre d'emploi de la part d'Henry Kissinger, il est aujourd'hui, à 88 ans, vice-président exécutif de l'Institut des Etudes Politiques de la Méditerrannée et porte-parole du Club
de Monaco : le voyage continue !
Claude de Kémoularia, c'est donc toute une époque, celle des Super-Constellation et des paquebots transatlantiques, l'époque des colonies françaises en Afrique et en Nouvelle-Calédonie, le temps
de la guerre froide et la peur de l'arme nucléaire... Sur ce dernier point, je lui demandai avec malice et un brin de présomption si on ne devrait pas aujourd'hui se préoccuper plutôt de conflits
informatiques ou biologiques, ce à quoi il répondit avec diplomatie que je me trompais et qu'il suffisait de regarder vers l'Iran ou la Corée du nord !
Claude de Kémoularia, c'est aussi une certaine idée de la France, un homme de réseaux, le "sens de l'Etat", une époque où les politiques n'allaient pas "passer leurs vacances dans des hôtels de
luxe aux frais de l'Etat", et où le Parlement avait encore les pouvoirs désormais détournés au profit de l'Elysée... Egratignant souvent Jacques Chirac (l'homme) et le général de Gaulle (ou
plutôt sa politique anti-parlementaire), il affirme n'être ni de gauche ni de droite mais avoir "servi la France".
Claude de Kémoularia, c'est enfin une élégance surannée et une certaine idée de l'Homme quand il affirme avec panache qu'il vaut la peine de "risquer sa vie pour faire plaisir à une jolie femme".
Comme Talleyrand, il est convaincu que "rien n'attire mieux les hommes qu'une bonne table" et "qu'un bon accord ne peut pas être conclu à une mauvaise table". Comme le prince de Bénévent, il
arrivera à se faire des amis dans tous les milieux politiques, il survivra à tous les régimes, il côtoiera les plus grands et comme lui, il voyagera un peu partout sacrifiant parfois sa vie
privée aux intérêts de la France !
Un dernier mot pour évoquer sa vision à la fois lucide et pessimiste pour notre avenir : "l'augmentation vertigineuse de la population et la raréfaction des ressources", sources de graves
conflits démographiques internationaux, avec en premier lieu d'inévitables guerres de l'eau. En plus de l'explosion démographique mondiale, on retrouve en conclusion de son livre les soucis déjà
soulignés en ma présence : conflits potentiels entre russes et chinois, aveuglement des Etats-Unis, faiblesse de l'Europe, conflit israélo-palestinien insoluble, prolifération des armes
atomiques... Malgré son expérience et sa sagesse, j'espère juste qu'il se trompe...
http://tontondaniel.over-blog.com/article-29350294.html
Tonton Daniel