Publié le 6 Janvier 2023
Bonjour à tous
Oubliez vite la définition traditionnelle du mot "spectacle", synonyme d'exhibition et de divertissement ! Pour Guy Debord, considéré comme l'un des derniers grands intellectuels du XXe siècle, notre civilisation est devenue "La Société du Spectacle", société dans laquelle l'économie remplace la politique et l'Histoire, société dont la nouvelle religion consumériste se substitue à la fois aux idéologies socialistes et libérales, bref une "négation du réel" au profit d'un monde virtuel, inutile, celui de la "marchandise" et du spectacle.
Révolté contre la Société et politiquement engagé auprès des anarchistes et des marxistes révolutionnaires, l'écrivain, membre de "l'Internationale situationniste", a critiqué tous les systèmes politiques sans exception, de l'anarchisme au fascisme en passant par le socialisme et le libéralisme, tous vecteurs d'un spectacle mondialisé, "spectacle diffus" imposé par la société bourgeoise, capitaliste et libérale à l’ouest, et "spectacle concentré" imposé par le socialisme, la bureaucratie et le capitalisme d'État à l'est où les bolchéviks deviennent les "nouveaux propriétaires du prolétariat" !
Lui-même marchandise consommant les marchandises qu'il fabrique et qu'on lui impose, l'ouvrier, sans lien avec ce qu'il produit désormais, est devenu à la fois spectacle et spectateur, "homme méprisable" abruti par un système créant pour lui des besoins non vitaux par le biais de la publicité, du cinéma et de la télévision. Un système aliénant qui finit par s'auto-reproduire en boucle dans le mouvement perpétuel d'un temps circulaire, un temps transformé à son tour en une marchandise et dans lequel l'Homme devient l'esclave de son mode de vie productiviste.
Rédigé en 1967 et composé de 221 réflexions ou "thèses", le livre de Guy Debord était destiné à réveiller les consciences mais reste souvent obscur, abscons, caricatural, voire surréaliste. D'aucuns ont cependant souligné son aspect prophétique, l'auteur y prévoyait et dénonçait en effet l'avènement du monde de l'image, la téléréalité, le travail sur écran, la robotisation, la dictature de l'automobile et des supermarchés, la "victoire de la ville sur la campagne", l'explosion de la consommation culturelle, le tourisme de masse, la nécessité de croissance infinie... Devenu modèle de réflexion pour beaucoup de penseurs, celui qui rêvait d'"ouvriers dialecticiens" et qui criait "Ne travaillez jamais !" imaginait-il que son livre finirait lui aussi par faire partie du spectacle qu'il dénonçait ?
Tonton Daniel