Malgré son titre provocateur, "Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ?" de l'ingénieur et consultant Emmanuel Pont se révèle à terme un ouvrage très sérieux, extraordinaire de logique et rassurant grâce à une analyse pertinente et argumentée.
Le monde n'est-il régulé que par la faim comme le suggèrait l'économiste Thomas Malthus au XIXe siècle ? La population humaine à croissance exponentielle condamne-t-elle la vie sur Terre à plus ou moins court terme ? Peut-on évoquer une "surpopulation" et l'expliquer par des politiques natalistes historiques, des enjeux stratégiques financiers et militaires, de très anciens "mécanismes de blocage" politiques et économiques ou de simples intérêts particuliers, égoïstes, capitalistes ou religieux ? Agriculture intensive, "extractivisme" et hyperconsommation menacent-ils vraiment notre Environnement ?
Seul constat évident : les déséquilibres simultanés de notre planète et de notre société contemporaine. En premier lieu, on relèvera les problèmes écologiques, le réchauffement climatique et ses conséquences (fonte du pergélisol et des glaciers, désertification, feux de forêts, montée des eaux, tempêtes...), l'effondrement de la biodiversité, la déforestation, la surexploitation des ressources naturelles, la raréfaction de l'eau douce et les diverses pollutions terrestres, aquatiques et atmosphériques. On pourra ensuite les confronter aux problèmes sociaux parmi lesquels les inégalités économiques, les conflits géographiques, les émeutes de la faim, les famines, les migrations, l'éco-anxiété ou la collapsologie. L'accroissement vertigineux de l'espèce humaine est-il la cause de tout ces dérèglements ?
Ceux qui en sont convaincus proposent logiquement des solutions natalistes incitatives, individuelles et collectives, sur le long terme : favoriser l'accès à l'éducation, au planning familial, à la contraception et à l'avortement, récompenser les familles à enfant unique ou attendre une régulation naturelle au fil du temps. Beaucoup de mesures inadaptées, insuffisantes ou trop lentes en regard de l'urgence mondiale selon beaucoup d'autres qui déclarent que la population n'est pas "une variable d'ajustement" et qui prônent plutôt des mesures politiques autoritaires, coercitives et immédiates, des solutions technologiques comme l'agro-écologie, l'agro-foresterie ou la méthanisation, une décarbonation de la société et de l'économie, des "initiatives locales, diverses et complémentaires" plutôt qu'un plan unique, des raisonnements locaux au lieu d'une pensée globale, des mesures alternatives, un changement des habitudes de consommation, voire la sobriété ou la décroissance pour les plus radicaux.
Ecologistes et démographes, scientifiques et politiciens, producteurs et industriels, tous sont conscients d'un problème très complexe touchant de nombreux sujets, libertés individuelles et collectives, éthique, économie, environnement, religion, santé, droit des femmes, éducation et culture. La démographie n'a jamais été une science exacte, elle est multifactorielle, les indicateurs incomplets et peu fiables, les prévisions difficiles et souvent inexactes, la surpopulation, un concept subjectif et flou. A nous d'inventer un nouveau modèle de société et d'agir avant de subir : "le nombre d'humains est beaucoup moins important que la manière dont ces derniers vivent et s'organisent" conclut Emmanuel Pont qui nous met cependant en garde contre "la déshumanisation, l'eugénisme et l'autoritarisme".
Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ? Les plus résignés en sont persuadés et ont déjà choisi cette solution extrême. D'autres évoquent un faux problème et affirment que la population mondiale est déjà en voie de stabilisation. D'autres enfin, résolument optimistes, font le choix de la lutte, militent pour une indispensable liberté de procréation et le respect des choix personnels de chacun. Entre idéologie et pragmatisme, espoir et philosophie, choix de vie et choix de société, l'ère du grand questionnement vient de débuter. Celle de l'action suivra. Ou pas.
Tonton Daniel