Bonjour à tous
"Le plat : froid. Le service : désagréable. Le lieu : le Café des Connards, dans la célèbre rue des Merdes, à Paris, qui se vante d’être l’établissement où le service est le plus grossier de la
planète. D’ailleurs, le garçon vient juste de me dire que je les lui broutais grave.
Depuis que les Connards ont affirmé, à la surprise générale, que leurs serveurs étaient les plus impatients, les plus malotrus et carrément les plus insolents du monde entier, les touristes se
bousculent. “C’est tout simplement une facette de notre culture”, explique Philippe Ouainqueu, maître d’hôtel. “Quand vous allez au restaurant à Paris, ce n’est pas pour baigner dans une
onctuosité servile. C’est pour vous faire insulter. Mais nous, nous le faisons avec panache. Aller au restaurant pour se faire humilier, ça fait partie de la culture parisienne. Mais nous, on en
rajoute. Des caisses.”
Le café est connu pour avoir refusé l’entrée à des touristes américains en leur assénant qu’ils ne connaissaient “rien à la gastronomie”, pour avoir prévenu des clients britanniques qu’ils
n’auraient droit qu’à “de la crème anglaise et de la jelly”, parce que c’est tout ce qu’ils comprennent, et pour accueillir les visiteurs français d’un coup de genou dans les parties. Julien
Mesfesses, le critique gastronomique français, reconnaît toutefois qu’il commence à s’attacher à l’établissement. “La première fois que j’y suis venu, j’ai eu droit à mon coup de genou
réglementaire, puis le serveur n’a pas cessé de m’administrer des chiquenaudes sur l’oreille. Quand j’ai réclamé cinq minutes pour faire mon choix, il m’a traité de chieur et a ajouté que tant
que j’y étais je n’avais qu’à consulter le menu pendant trente minutes de plus. Quand il est revenu, au bout d’une heure, il n’y avait plus rien à la carte. J’ai dû me contenter d’un steak
cru.”
“Mais j’ai fini par apprécier. A chacune de mes visites, le coup de genou dans l’entrejambe se fait plus convivial, et, à mes yeux, c’est un peu devenu une institution parisienne.” Se retrouver
impliqué dans le spectacle fait partie de l’expérience d’un dîner aux Connards. Avec cinquante couverts par soirée, les serveurs peuvent faire la démonstration de l’éventail complet de la
grossièreté parisienne.
Nicolas Tammère, le chef de salle, explique en quoi il est plaisant de travailler aux Connards : “Pour moi, ce n’est pas un boulot comme les autres, comme si je travaillais dans n’importe quel
café. C’est l’occasion de défendre des valeurs bien françaises, menacées par tous ces employés qui sourient dans les Burger King. La politesse, ça n’a rien de parisien. La grossièreté, voilà
notre tradition, et les gens viennent de loin pour y goûter. J’adore mon métier, et je hais mes clients. C’est comme ça.”
(source : The Daily Shame, repris dans Courrier International n°1007 pour son dossier satirique "Les Parisiens : Quelques raisons de les détester !")
Tonton Daniel