Bonjour à tous

Issue d'une célèbre et richissime famille de semenciers, la romancière Louise de Vilmorin a laissé une biographie plus riche que sa bibliographie ! "Séductrice compulsive et icône de la mode", l'auteure de "Madame de..." a été dans sa jeunesse le premier grand amour d’Antoine de Saint-Exupéry avec qui elle se fiance brièvement en 1923 avant de le quitter et d'enchaîner mariages, conquêtes et passions amoureuses. Epouse d'un consul honoraire de Monaco à Las Vegas, elle voyage beaucoup, séjourne en Suisse chez son ami le prince Aga Khan, divorce, se remarie avec un aristocrate hongrois, divorce à nouveau, s'entiche d'un prince hongrois puis d'un vicomte anglais ambassadeur du Royaume-Uni en France, avant de finir sa vie à la résidence de la Lanterne à Versailles avec son compagnon et amour de jeunesse le ministre de la culture André Malraux.

Parisienne et mondaine, l'amie et biographe de Coco Chanel évolue donc dans le milieu cosmopolite de la Café society, cercle informel regroupant haute noblesse, milliardaires et gens d'esprit, artistes, écrivains et musiciens. Source d'inspiration inépuisable pour la femme de lettres, cette société futile lui suggèrera sans doute en 1958 l'histoire et les personnages de son roman "La Lettre dans un taxi", sorte de pièce de théâtre de boulevard à huit personnages ressemblant beaucoup à son auteure, grande bourgeoise fantasque et frivole mais brillante et pleine d'esprit. Dans la ronde des mensonges et autour de quelques bons mots, hommes et femmes du monde évoluent dans le décor jauni des années 50, celui des diners en ville, des cartes de visite, des rendez-vous galants, des femmes de chambre, des parties de chasse à la campagne... et des lettres égarées dans des taxis !

Louise de Vilmorin collaborera également comme scénariste et dialoguiste pour le cinéma et pour la télévision mais qui se souvient aujourd'hui qu'elle dialogua un temps "Les Aventures de Saturnin", série animalière du petit écran qui fit le bonheur de toute une génération d'enfants sages dans les années 60 ?

Tonton Daniel
 

Bonjour à tous

Deuxième volet de la quadrilogie des "Jeunes filles" d'Henry de Montherlant, "Pitié pour les femmes" débute une semaine après la fin du premier tome. Toujours cynique et misogyne, Pierre Costals délaisse ici sa correspondance avec la femme qui le harcèle depuis des années afin de séduire une jeune oie blanche, d'envisager une relation durable avec elle et de renoncer définitivement à tout désir physique. Mais la Nature reprend vite ses droits. Pour lui, homme orgueilleux et viril qui refuse de "souffrir de quelqu'un" et qui méprise toute affectation, tout maquillage, toute dissimulation, les femmes bêtes et soumises qu'il tient à son bras sont au mieux des faire-valoir provisoires, au pire de simples objets faibles et fragiles à utiliser et à jeter après usage, voire des animaux nuisibles ou des parasites dont on peut même se réjouir d'une mort potentiellement libératrice ! La séduction est glorieuse et passagère comme une victoire militaire ou un jeu de rapport de forces toujours au même avantage. Seule concession pour cet homme sans scrupules, la pitié qui se donne de la même manière que l'amour, les deux sentiments se confondant dans un élan identique. Quant aux hommes et à leur société, il les méprise et les condamne en bloc comme il méprise et condamne les convenances et la bourgeoisie, la religion et le mariage, la faiblesse d'esprit et le manque de caractère : "Il ne faut pas essayer de faire du bien à ceux qu'on n'aime pas".

Intelligent et froid, égocentrique dénué d'empathie, séducteur parfois violent, menteur et harceleur moral, manipulateur exploitant les sentiments de ses conquêtes, indifférent à tout jugement et aux malheurs des autres, ce personnage odieux décrié par Simone de Beauvoir en 1949 dans "Le Deuxième Sexe" serait aujourd'hui qualifié de "pervers narcissique". La plume de Montherlant est néanmoins si affutée, le ton si plein d'humour à force d'exagération dans ce portrait caricatural que l'on n'a qu'une hâte : ouvrir le troisième tome des aventures "amoureuses" de l'homme qui suscite à son tour de la pitié quand il s'interroge sur sa solitude, le sens de sa vie et tout ce temps perdu...

Tonton Daniel