Bonjour à tous
Construit à la fin des années 1950 dans le chantier naval de Saint-Nazaire, le porte-avions Foch a été pendant 37 ans au service de la Marine nationale française, avant d’être acheté en 2000 par le Brésil et rebaptisé Sao Paulo. Après plusieurs incendies à bord et en raison à la fois de sa vétusté et du coût de la rénovation, le gouvernement brésilien décide en 2018 de le désarmer avant de le vendre aux enchères en avril 2021 pour 1,9 million de dollars à la société turque Sök Denizcilik and Ticaret Limited. Celle-ci le fait remorquer en juin 2022 jusqu'en Méditerranée mais doit faire face à des organisations locales qui contestent l’inventaire des matières dangereuses, liste obligatoire imposée par la Convention de Bâle de 2009 sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination. Le projet de déconstruction du bateau au nord d’Izmir est donc abandonné car l'inventaire réalisé en 2009 par l'entreprise de recyclage britannique en charge du démantèlement du Clemenceau, jumeau du Foch, se révéla en effet beaucoup plus exhaustif !
L'indésirable est alors à nouveau remorqué vers le Brésil où il n'obtient pas l'autorisation d'accoster à cause d'une "aggravation des dommages" au niveau de la coque. Que faire de cette épave flottante de 266 mètres de long et de 24.000 tonnes d’acier ? Réponse de la marine brésilienne : "un naufrage planifié et contrôlé" ! Ce vendredi 3 février, le Foch-Sao Paulo est donc coulé volontairement dans les eaux territoriales brésiliennes, à moins de 200 nautiques de la côte (370 kilomètres), et repose désormais au fond de l'Atlantique par environ 5.000 mètres de fond.
Pour les associations de défense de l'environnement et de protection des fonds marins, les mots ne manquent pas pour qualifier ce sabordage : "Scandale sanitaire", "Crime contre l'environnement", "Catastrophe pour la biodiversité marine", "Bombe à retardement écologique"... Car le navire contiendrait des quantités invraisemblables de produits toxiques : 9,6 tonnes d'amiante servant de calorifuge à 17 km de tuyauteries, dix kilomètres de gaines en PCB, 644 tonnes de peinture et autres matières dangereuses, enduits, vernis, peintures au plomb, hydrocarbures et lubrifiants. En raison du froid et du faible taux d'oxygène à cette profondeur, le géant va se décomposer très lentement et contaminer toute la chaîne biologique, depuis le plancton jusqu'aux grands mammifères, sans oublier les communautés côtières. Tout comme avant lui des milliers d'autres épaves, navires de guerre, cargos, minéraliers, pétroliers ou chimiquiers soumis depuis plus d'un siècle à l'effet conjugué de la corrosion et des courants.
En plus de cette "pollution à terme", les ONG environnementales Greenpeace, Sea Shepherd, Shipbreaking Platform et Basel Action Network dénoncent également "une violation de trois traités internationaux" sur l’environnement, dont celui de Stockholm en 2001 concernant les polluants organiques persistants. Grâce à la signature de nombreuses conventions, un état n'a théoriquement plus le droit aujourd'hui de couler volontairement un bateau sans nettoyage préalable. Navires militaires et porte-avions compris ! Vendredi dernier, le "secret défense" l'aurait-il emporté sur la défense de l'environnement ?
Tonton Daniel