arbres

Publié le 28 Février 2024

Le monde entier connait son nom, son logo, ses magasins et leur parcours obligé, ses meubles en kit vendus en paquets plats et son discours fleurant bon la liberté et les grands espaces. La multinationale Ikea semble cependant cacher bien des secrets inavouables à en croire le documentaire édifiant que diffusait la chaîne ARTE hier au soir. Réalisé en 2023 par Marianne Kerfriden et Xavier Deleu, "Ikea, le seigneur des forêts" retrace l'histoire de l'entreprise fondée en 1943 par Ingvar Kamprad, membre actif d'organisations nazies et fascistes pendant la deuxième guerre mondiale, puis son développement spectaculaire qui en a fait aujourd'hui l'un des trois plus gros consommateurs de bois de la planète avec un arbre abattu toutes les deux secondes !

Le géant suédois de la "fast furniture" dévore en effet chaque année 20 millions de mètres cubes de bois, soit 1% du bois coupé dans le monde. Afin de vendre toujours plus, Ikea a longtemps surexploité la forêt boréale suédoise, puis a envahi la Pologne et les Carpates en Roumanie, où les coupes rases de forêts primaires sont légion, le trafic de bois normalisé et les dégâts environnementaux irréversibles. Une quantité invraisemblable de bois disparait ainsi tous les ans des forêts roumaines en toute illégalité où des gardes forestiers ont même été tués ces dernières années. Quant à la monoculture de pins, elle est partout synonyme de "plantations d'arbres" stériles et vides de toute biodiversité.

Obligée de chercher toujours plus loin faute de matière première suffisante, Ikea s'est alors tournée vers les Pays Baltes, la forêt amazonienne au Brésil et la Nouvelle-Zélande et possède désormais 280.000 hectares de forêts hors Suède. La firme vante un approvisionnement responsable et une gestion durable des forêts mais le système Ikea est aujourd'hui contesté à la fois à Bruxelles et dans les médias. Se défendant de tout "greenwashing", la société met en avant la plantation de "forêts de compensation carbone" et le label FSC (Forest Stewardship Council), caution cependant très controversée car attribuée par une ONG impuissante face aux coupes de bois dans les forêts primaires et les parcs nationaux ! Des fournisseurs et sous-traitants corrompus et peu scrupuleux, un refus systématique de répondre aux journalistes, du bois coupé illégalement dans les années 90 en Sibérie, d'anciennes affaires d'optimisation fiscale et d'espionnage de salariés, le "saigneur" de forêts est décidément très à la peine aujourd'hui pour améliorer son image...

Grâce à des images chocs, des archives rares et de nombreux témoignages dont celui de Johan Stenebo, ancien assistant d'Ingvar Kamprad, le reportage laisse au final un goût amer, un parfum de tromperie à très grande échelle... "Pour nous, rien n'est impossible" affirmait il y a peu l'un des nombreux slogans de la marque...

Tonton Daniel
 

ikea le seigneur des forêts

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #télévision, #économie, #environnement, #arbres

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Publié le 25 Janvier 2024

L'histoire est un éternel recommencement et la sauvegarde de l'environnement un combat sans fin. Lors des jeux olympiques d'été de Tokyo en 1964, 1500 arbres furent abattus afin de laisser place au nouveau stade olympique de Kasumigaoka. Soixante ans plus tard, le réaménagement du quartier historique de Jingu Gaien menace à son tour 3000 arbres, dont la célèbre allée de ginkgos centenaires offerts par les citoyens de la cité à l'empereur Meiji et plantés dans le parc urbain créé à cette occasion.

Sur 17 hectares, surface très importante dans le centre ultra-urbanisé de la capitale japonaise, le projet immobilier de 2,4 milliards d’euros approuvé par la gouverneure et ancienne ministre de l'Environnement Yuriko Koike prévoit la construction par le groupe Mitsui Fudosan de centres commerciaux, d'installations sportives et de deux gratte-ciels résidentiels de 200 mètres de hauteur. En accord avec l'organisation religieuse Meiji-Jingu, propriétaire du site, le promoteur immobilier a donc prévu la démolition des stades de baseball et de rugby Jingu, édifices historiques de la ville, et confirmé l'abattage de 700 arbres au minimum.

Malgré l'exceptionnelle proximité des japonais avec leur environnement et une pétition regroupant 230.000 signatures, les travaux ont débuté en septembre dernier pour s'achever en principe en 2035. L'ONG ICOMOS, comité consultatif de l'UNESCO pour la protection du patrimoine mondial, a pointé sans succès l'absence de consultation citoyenne ainsi que la mise en péril d'un "patrimoine culturel exceptionnel". Propriété privée, le terrain n'est en effet pas soumis aux mêmes contraintes juridiques que les bâtiments publics. Considérée avec ses 8% d'espaces verts comme l'une des moins végétalisées de la planète, la mégapole de Tokyo touchée par un réchauffement plus rapide que celui des autres grandes villes du monde aurait pourtant bien besoin de davantage de parcs et de jardins publics indispensables à sa régulation thermique.

Symbole de prospérité, de maternité et de longévité, le Ginkgo biloba, arbre emblématique ayant survécu à la bombe atomique lancée sur Hiroshima en 1945 et dont la feuille est le symbole de la ville de Tokyo depuis 1989, risque cette fois-ci de ne pas résister aux promoteurs immobiliers !

Tonton Daniel
 

les ginkgos de tokyo

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #arbres, #japon, #homo absurdus

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Publié le 7 Janvier 2024

Confronté depuis la nuit des temps à l'ennui existentiel, au mal de vivre et au désoeuvrement, l'Homme a toujours été à la recherche de divertissements pour oublier sa condition mortelle. Jeux du cirque, fêtes galantes, voyages touristiques, consoles vidéo ou poker menteur, tout est bon pour tuer le temps ! Y compris la guerre et le meurtre à en croire le philosophe Blaise Pascal ou l'écrivain Jean Giono qui lui emprunta en 1948 une "Pensée" pour le titre de son roman "Un roi sans divertissement".

Au XIXe siècle, dans le décor hivernal d'une montagne enneigée, un jeune officier est envoyé dans une communauté villageoise afin de démasquer et arrêter un meurtrier sanguinaire dissimulé derrière un rideau de nuages et de brouillard. Son exploit accompli, le meneur d'hommes gagne la confiance, le respect et l'admiration de tous, de la communauté paysanne aux gens de la grande ville, ces notables qui portent "des bibliothèques dans leurs yeux", puis s'installe à demeure dans ce cadre simple et rude. Mais, peu à peu, malgré la contemplation de la nature, la recherche d'une épouse et quelques épisodes animés, chasse au loup, messe de minuit, cérémonies paysannes et fêtes brillantes, l'ennui s'installe irrémédiablement. Le drame final et spectaculaire devient alors inévitable...

Récit complexe et d'une poésie extraordinaire, à plusieurs niveaux de lecture et aux nombreux personnages, évoquant simultanément le destin d'un homme et "la marche du monde", ce Roi de Giono regroupe plusieurs histoires contées par différents narrateurs qui nous confient chacun à leur tour leurs souvenirs et leur compréhension des évènements et du héros. Comme toujours chez Giono, la Nature reste imperturbable à la folie des hommes, tel le hêtre majestueux posé dès la première page, "d'une force et d'une beauté rares", régnant sur sa forêt, se suffisant à lui-même et n'ayant pas besoin d'artifices pour exister. Les hommes et les dieux s'ennuient. L'arbre vit.

"Un roi sans divertissement est un homme plein de misères."

Tonton Daniel
 

un roi sans divertissement

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #littérature, #arbres

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Publié le 20 Décembre 2023

Aujourd'hui associée à la biodiversité qu'elle protège et au climat qu'elle régule, la forêt a longtemps été perçue par les humains comme un lieu de ténèbres et de mystères peuplé de sorcières et de fantômes. Malgré les progrès de la science, cette vision poétique et romantique n'a pas entièrement disparu. Témoin la forêt d'Aokigahara située au pied du mont Fuji au Japon, considérée depuis les années 1950 comme l'un des sites où l'on se suicide le plus au monde après le Golden Gate Bridge à San Francisco !

Surnommée localement "Jukai" ("mer d'arbres"), Aokigahara est installée sur une ancienne coulée de lave au relief accidenté couvrant 3.500 hectares. Dépeint en 1959 par l'écrivain japonais Seicho Matsumoto comme "un endroit idéal pour mourir en secret" puis conseillé en 1993 par l'auteur Wataru Tsurumi dans son controversé "Mode d'emploi complet du suicide", le site a été choisi pour décor de nombreuses oeuvres de fiction, films, livres et mangas. Selon la tradition, il serait aussi très présent au Pays du Soleil Levant dans la pratique mythique de l'ubasute, géronticide consistant à l'abandon volontaire de personnes âgées dans un endroit isolé...

Si des humoristes nippons s'amusent que le nombre de suicides par pendaison ou overdose de drogue serait en nette augmentation au Japon à l'approche du mois de mars marquant la fin de l'année fiscale, on recensait 108 suicides bien réels en 2004 à Aokigahara malgré des affichages préventifs et de fréquentes patrouilles de surveillance. Les autorités locales de la préfecture de Yamanashi ont donc décidé à cette date de ne plus publier aucun chiffre afin d'éviter toute publicité involontaire et macabre.

Malgré son cadre idyllique, sa faune abondante, ses oiseaux, ses papillons, ses nombreux conifères, érables et rhododendrons, la forêt des suicides demeure un lieu de ténèbres, de silence et de mort qui porte bien son nom !

Tonton Daniel
 

la forêt des suicides

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #japon, #arbres, #la mort

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Publié le 3 Décembre 2023

Qui de mieux pour évoquer "Le parfum des forêts" qu'un ancien bûcheron reconverti dans l'industrie du parfum ? Dominique Roques, aujourd'hui "sourceur d'extraits naturels" pour l’un des leaders mondiaux de la parfumerie et des arômes, a longtemps abattu des arbres par tradition familiale. Dans son dernier ouvrage, il tente de concilier deux discours paradoxaux, celui de l'homme émerveillé par la Nature et celui de l'exploitant au service d'intérêts industriels et financiers. Amour des arbres et exploitation des forêts pourraient donc faire bon ménage ?

Des cèdres du Liban quasiment disparus aux séquoias géants de Californie en passant par les hêtres européens, les pins des Landes et le gaïac du Paraguay, l'auteur évoque un temps immobile, silencieux et très long, l'histoire des arbres, végétaux plus anciens que les dinosaures auxquels ils ont survécu comme ils ont survécu jusqu'à présent aux haches, aux tronçonneuses et aux "moissonneuses d'arbres". Pour combien de temps encore ?

L'histoire parallèle des hommes et des forêts a en effet connu bien des remous. Au fil des siècles, charbonniers, sylviculteurs et bûcherons ont laissé place à une agriculture industrielle, à la déforestation des tropiques, au massacre de quelques peuples autochtones et aux besoins d'une pression démographique exponentielle. Afin de ralentir ou d'inverser la déforestation mondiale, nombre de solutions ont été proposées ou testées, plantations artificielles basées sur la monoculture mais synonymes de baisse de la biodiversité, d'utilisation massive de pesticides ou de compactage des sols, projets parfaitement utopiques de grandes "murailles vertes" africaines et chinoises ou encore plantations à grande échelle sous l'impulsion de grands groupes industriels papetiers, chimiques, pharmaceutiques ou de parfumerie...

Une vision pragmatique imposerait le retour des haies, l'agroforesterie ou l'exploitation raisonnée des forêts même si ces pratiques sont issues d'une réflexion sur l'amélioration des rendements ou la réduction des factures énergétiques. Quant à la sanctuarisation, la surveillance de forêts "sans finalité économique" ou la recréation de forêts primaires, elles restent pour l'instant anecdotiques et incompatibles avec le temps rapide des hommes.

Entre souvenirs, regrets et craintes pour l'avenir, Dominique Roques nous offre une vision très différente du discours habituel, une glorification anachronique et parfois dérangeante du métier de bûcheron mêlée à un réquisitoire contre le machinisme infernal et la course au profit, un récit dans lequel les bois odorants et les parfums sont hélas souvent absents ! Au lecteur de faire la part des choses et trouver un moyen terme entre une Réformation à la Colbert et une fable à la Giono !

Tonton Daniel
 

le parfum des forêts

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #littérature, #arbres, #le parfum

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