Publié le 31 Janvier 2021


Bonjour à tous

Maladie qui a causé le plus de morts dans l'histoire de l'Humanité, la peste a inspiré au romancier Albert Camus une de ses oeuvres les plus célèbres et les plus fortes. Initié avant la deuxième guerre mondiale, son projet d'écriture a en effet changé radicalement à la fin de celle-ci avec l'adaptation de son sujet au contexte historique. Le récit qui devait ne relater que le combat de quelques hommes face à une épidémie de peste dans les années 1940 dénonce en réalité mais de manière très symbolique la "peste brune" nazie et toutes les dictatures politiques.

Redécouvert aujourd'hui à la faveur de la pandémie de Covid-19, ce livre extraordinaire aux multiples interprétations peut aussi se lire à un troisième niveau car l'évidence des mots, les similitudes, l'enchainement visionnaire entre la fiction datée de 1947 et la bien réelle pandémie de 2020 se révèle très perturbant. C'est d'abord le constat, l'incrédulité et les premières victimes, la peur naissante, les questions et les rumeurs sur l'ampleur et l'origine du phénomène. C'est le temps des gestes préventifs, du couvre-feu, des querelles de spécialistes, de l'ouverture des camps, des bilans quotidiens et des alignements de chiffres. Pour tous, la suppression des libertés, les déplacements limités, les réactions de chacun face à l'éventualité de sa propre mort. Puis, dans un nouvel ordre naturel des choses, viennent le confinement, le rationnement, la claustration et la monotonie, un "long temps d'exil", la fatigue et l'indifférence, la vie au jour le jour, la solitude et le silence, et pour les plus optimistes, l'attention portée au passage des saisons et aux "cris des martinets dans le ciel du soir"... Arrive enfin pour quelques-uns, puis pour tous, le temps de l'action, de la révolte, de la guérison, de la délivrance et d'un nouvel espoir.

Au-delà de cette incroyable concordance de la fiction et de la réalité et des réflexions d'un humaniste sur la foi religieuse, la Justice et la peine de mort, Albert Camus nous incite donc à rester vigilants face à l'inconscience, à l'égoïsme, à l'émergence de toute nouvelle forme d'épidémie. "La peste a sa bienfaisance qui ouvre les yeux et force à penser" écrit-il avant d'ajouter que "le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l'ignorance."
Si "les pestiférés" sont d'abord malades de haine, d'incompréhension, de peur ou de lâcheté, certains peuvent décider de "ne pas se mettre à genoux", de combattre la maladie, de s'engager, de devenir des hommes volontaires et intègres qui réagissent, se lèvent et prennent leur destin en main. Ces hommes deviennent alors des résistants.
Lauréat du prix Nobel de littérature en 1957, Albert Camus conclut enfin son roman avec un appel à la vigilance et un sombre avertissement : l'histoire des hommes n'est souvent qu'un éternel recommencement !

Citations :

"Le bien public est fait du bonheur de chacun." (2e partie)
"L'ordre du Monde est réglé par la mort." (2e partie)
"Par leur durée même, les grands malheurs sont monotones." (3e partie)
"Toute la ville ressemblait à une salle d'attente." (3e partie)
"La seule façon de mettre les gens ensemble, c'est encore de leur envoyer la peste." (4e partie)
"Au milieu des fléaux, il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser." (5e partie)

Tonton Daniel
 

la peste

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Rédigé par tonton daniel

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Publié le 24 Janvier 2021


Bonjour à tous

Dans sa minuscule chambre de bonne à Paris, un jeune homme anonyme décide un matin sans raison apparente de ne plus se lever, de ne plus aller travailler, de ne plus voir ses amis. Renonçant à une vie banale et à un destin tout tracé, cet homme "qui ne sait pas vivre" veut faire l'expérience du silence, de la solitude, de l'oubli, de l'amnésie et se fige dans l'immobilité, l'inaction, l'attente, l'indifférence... Plus d'intérêts, plus de passions, plus de désirs, plus de jugements, plus de surprises, plus de douleurs physiques, "plus de point d'exclamation" dans une vie "lisse et ronde comme un oeuf". Piégé dans un temps immuable et figé, il choisit d'être "un homme qui dort", isolé dans le refuge utérin de son cocon sous les toits. Il rêve d'une île déserte, d'une vie contemplative et inutile, il voudrait sortir de son corps et se dématérialiser, devenir arbre ou animal, accéder à la sagesse et au renoncement matériel dans l'attente de la fin du monde, il semble mort...

Dans sa minuscule chambre de bonne à Paris, le Dormeur du Val se réveille, il doit affronter les autres dormeurs, les monstres et la ville putride, se confronter au malheur de vivre... "La solitude n'apprend rien, l'indifférence n'apprend rien", sa recherche orgueilleuse a été aussi futile qu'inutile, il n'y a ni mort, ni folie, rien ! Il est un homme comme les autres, lassé des contingences humaines, soumis aux règles du temps qui passe et de la pluie qui tombe, rat de laboratoire perdu dans son labyrinthe, prisonnier dans sa cellule, condamné par procuration à regarder les fissures du plafond et à écouter d'invisibles voisins...

Pour Georges Perec, auteur de cette chronique du renoncement et de l'indifférence, aucun doute. Cet homme qui dort, c'est un peu chacun d'entre nous.

Tonton Daniel
 

un homme qui dort

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Publié le 17 Janvier 2021


Bonjour à tous

"Je ne tromperai jamais leur confiance" affirme le médiatique professeur Philippe Juvin sur la couverture de son dernier ouvrage, journal de bord qui relate de janvier à mai 2020 l'expérience du chef des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou à Paris face à la pandémie de Covid-19. Tirée du serment d’Hippocrate prononcé par tous les médecins en début de carrière, l'affirmation prend aujourd'hui un double sens après l'annonce par l'auteur de sa probable candidature aux primaires de la droite pour la présidentielle de 2022.

Depuis longtemps, l'homme est en effet engagé politiquement, élu local de longue date ayant conscience des réalités du terrain et du quotidien des français. Maire de La Garenne-Colombes depuis 2001, vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine en 2004, député européen de 2009 à 2019, président de la fédération Les Républicains des Hauts-de-Seine en 2016, il est aussi un très proche de Nicolas Sarkozy qu'il nomme et cite à plusieurs reprises au fil des pages.

Illustrée de nombreux exemples, la première partie de l'ouvrage est un véritable réquisitoire contre une administration politique et hospitalière centralisée, tatillonne, sclérosée, inefficace et mensongère, responsable entre autres sujets de la calamiteuse gestion des masques chirurgicaux. Philippe Juvin dénonce une bureaucratie désinvolte et désincarnée, "la comédie humaine médiatique et politique parisienne", les charlatans, les faux prophètes et les "chefs de temps de paix" sans oublier de rendre hommage aux soignants pour leur abnégation et aux français pour leurs applaudissements de 20 heures. Hélas, son témoignage, à la fois acerbe et humaniste, se termine le 11 mai, premier jour du déconfinement, bien avant la vaccination, le couvre-feu, les mutations du virus et "l'épidémie de solitude".

Après le journal de la crise sanitaire ponctué d'anecdotes relatives à sa vie privée et rappelant opportunément la "solitude du chef" viennent le manifeste politique, la profession de foi et la réflexion sur le portrait d'un bon dirigeant : "L'homme politique est celui qui a suffisamment de caractère pour trouver des chemins inédits", il doit rester humble, avoir du bon sens et "penser en-dehors des clous", ne pas mentir, savoir reconnaitre ses erreurs et son ignorance le cas échéant. "Bien gérer, c'est avoir à la fois une vision d'ensemble et le souci du détail"... "La politique n'est pas un art de communication mais d'exécution"... Bref, n'est pas Jupiter qui veut !

Arrive enfin une liste de propositions constructives et de réformes pragmatiques en forme de programme électoral : coordination et réserve sanitaire européennes, préparation de trains médicalisés, relocalisation des industries pharmaceutiques, coordination public-privé, création de réserves stratégiques, meilleure gestion des Ehpad, formation de personnel médical et d'auxiliaires de santé, mise en place de circuits courts de décision, organisation régionale et horizontale de la Santé... Quant à l'affiche politique, elle propose solidarité commune et responsabilité individuelle, vigilance sur les libertés individuelles et collectives, restauration de la confiance, remise en cause d'un système pas assez démocratique, décentralisation à marche forcée... Vaste projet !

Travailler dans un établissement portant le nom d'un ancien Président de la République aurait-il donné des idées à cet homme habile et ambitieux qui se définit comme libre et qui dit "vouloir qu'on l'aime" ? "Là où je serai, je contribuerai à rebâtir cet apaisement et cette confiance" conclut l'élu-praticien que Matignon a retiré subitement de la promotion de la Légion d’honneur du 1er janvier dernier...

"Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences." (Extrait du serment d'Hippocrate)

Bilan humain provisoire de l'épidémie au 17 janvier 2021 : 2 .022. 279 morts.

Tonton Daniel
 

je ne tromperai jamais leur confiance

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Rédigé par tonton daniel

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Publié le 8 Janvier 2021


Bonjour à tous

Malsaine, lugubre, morbide, choquante, incroyable... Les adjectifs manquent aujourd'hui pour définir la pratique de la photographie post-mortem, activité consistant à prendre en photo des personnes récemment décédées. 

Née peu après l'invention du procédé dans un temps où l'on mourrait principalement chez soi, la photographie funéraire fut très en vogue dans l'Angleterre victorienne du XIXe siècle car elle permettait aux familles de défunts à une époque d'épidémies, de niveau sanitaire exécrable et de très grande mortalité infantile de conserver un portrait commémoratif de leurs proches disparus, notamment des jeunes enfants dont on n'avait pas eu le temps de faire établir un portrait. Moins coûteuse et plus rapide que l'exécution d'un tableau, cette pratique proposée par des ateliers-studios spécialisés comme celui de Frascari à Paris gagna le reste de l'Europe et les Etats-Unis et se développa à grande échelle avec l'invention dès 1838 du daguerréotype.

Certaines mises en scènes paraissent aujourd'hui pour le moins invraisemblables. Si la plupart des nourrissons et des enfants morts étaient photographiés sur les genoux d’un parent, couchés sur un canapé ou semblant endormis dans une pose "naturelle" au milieu de leurs jouets, beaucoup d'adultes étaient habillés, maquillés et maintenus par des cales, des corsets ou des armatures de métal dans une position naturelle afin de sembler bien vivants ! Assis ou maintenu debout grâce à un "tuteur" parfois visible et souvent entouré de ses proches, le cadavre avait les yeux maintenus grands ouverts grâce à des inserts et légèrement orientés vers l'intérieur pour donner l'illusion qu'il regardait l'objectif ! Même sa bouche était légèrement cousue afin d'éviter le rictus provoqué par le relâchement des chairs et, pour l'anecdote, on rappellera que le temps de pose et d'exposition nécessitant plusieurs minutes d'immobilité, on reconnait souvent le mort à sa figure "nette" sur une photo ou un daguerréotype de groupe...

La pratique de la photographie post-mortem réalisée par des professionnels ne déclina qu'à la fin du XIXe siècle avec la peur des épidémies, l'apparition de la photographie instantanée, la mise en place de législations funéraires et le vote de lois visant à protéger la vie privée, le droit à l'image ou le respect du corps humain. Si, pour l'Histoire, la photographie funéraire a permis de témoigner de l'horreur des camps d'extermination ou, plus récemment, de l'exécution de plusieurs dictateurs, elle existe toujours dans le cadre de la médecine scientifique et de la police médico-légale et a servi de support à la série télévisée irlando-canadienne "Dead Still" dans laquelle un photographe des années 1880, spécialisé dans le portrait de personnes décédées, est confronté à des meurtres qui semblent liés à son travail. Néanmoins, hors fiction, elle serait encore pratiquée dans certaines régions d'Europe de l'est comme elle l'était au XIXe siècle dans un cadre strictement familial !

Sources : 
Le Parisien - Histoires de Paris n°13 - Dans le secret des cimetières parisiens - Décembre 2020,

Magazine hors série Science et Vie n°298H - La mort et la tentation de l'éternité - Novembre 2021,
Différents sites internet.

Tonton Daniel
 

photographie post-mortem

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #la mort, #le saviez-vous

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Publié le 3 Janvier 2021


Bonjour à tous

En ce début de XXe siècle pauvre et laborieux, on les appelait les Hirondelles... Discrètes et silencieuses, ces jeunes femmes traversaient chaque année les Pyrénées à pied depuis l'Espagne pour venir coudre des espadrilles dans les ateliers de Mauléon, capitale de la Soule en Pays Basque français. C'était dans le nord de la France le temps des mines de charbon au fond desquelles les ouvriers mineurs usaient une paire d'espadrilles par semaine, et dans les Pyrénées le temps des contrebandiers, des migrations vers l'Argentine et des sabots cloutés...

Oubliées aujourd'hui, les Hirondelles revivent sous la plume de la romancière Anne-Gaëlle Huon et avec elles la jeune Rosa, vilain petit canard maigre et boiteux mais doué d'un talent artistique sans égal. A Chéraute, commune voisine de Mauléon, l'ouvrière va très vite croiser un autre groupe de femmes bien différent, les Demoiselles, parisiennes émancipées ayant fui la Capitale pour des raisons mystérieuses, elles aussi réfugiées en Soule et chez qui le Champagne coule à flot. Commencera alors pour Rosa, partagée entre ses deux familles, une longue succession de questions et de doutes, de drames et de fêtes, de rencontres et de défis professionnels qui la conduiront de la maison aux volets bleus de Chéraute à la renommée internationale !

Extraordinaire portrait doublé d'une magnifique histoire d'amour et d'amitié, "Les Demoiselles" est une saga essentiellement féminine, ponctuée de musique et de seconds rôles masculins, dans laquelle se croisent des bergers en béret, des courtisanes de la Belle epoque, le couturier Christian Dior ou Charlie Chaplin lors de son passage en Soule à Tardets en 1931. C'est aussi la violence des hommes, des conditions de vie difficiles, le camp de concentration de Gurs, la guerre civile espagnole mais surtout une ode mélodieuse au Pays Basque et à la Soule, "région sauvage, verte et brute, terre de brebis, de forêts et de rivières".

Léger comme des bulles de Champagne, savoureux comme un gâteau basque, fier et fort comme les Pyrénées, voici un livre qu'on ne lâche plus et qu'on dévore très vite... le temps qu'une hirondelle passe sur la maison...

"Le destin, ce n'est pas une question de chance. C'est une question de choix."

Tonton Daniel
 

les demoiselles

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #littérature, #pays basque

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