Bonjour à tous
Dans la série "Il en faut pour tous les goûts", voici un article étonnant paru dans le supplément de Courrier International n°958 du 12 mars 2009, consacré à la lingerie féminine syrienne :
"En Syrie, la créativité et la fantaisie s’expriment à travers la lingerie féminine – strass, paillettes, lumières clignotantes et soutiens-gorge télécommandés sont censés inciter les maris à la
fidélité.
Au détour d’une allée du marché central du vieux Damas, très fréquenté, un vendeur du nom de Mahmoud me fait découvrir une spécialité syrienne très recherchée : la culotte musicale. Les modèles
sont proposés dans une vaste gamme de coupes et de couleurs et lancent de courtes mélodies, ou d’autres sons, dont des sonneries de téléphone, émises par de petits appareils électroniques
installés dans la doublure. Les sous-vêtements musicaux ne sont pas les seuls articles vendus dans la Boutique Fatin d’habillement pour les dames à la maison, où Mahmoud – l’œil brillant, tout
juste sorti de l’école – fait la réclame pour sa marchandise”, s’émerveille un journaliste de BBC News Online. Chez Fatin [qui signifie “séduisant”, en arabe], on trouve aussi des culottes ornées
d’ampoules clignotantes, d’autres qui brillent dans le noir, et un ensemble soutien-gorge/culotte en forme de fines mains de femme enveloppant l’entrejambe et les seins. “Pour un peu plus cher,
on peut aussi se procurer soutien-gorge et culotte à télécommande, conçus pour s’ouvrir et tomber au sol en claquant des mains ou en appuyant sur un bouton.”
Bienvenue dans l’univers merveilleux de la lingerie syrienne, un monde tout en pompons, plumes, fermetures Eclair et soutiens-gorge s’ouvrant tel un rideau de théâtre. Une créativité pleine
d’audace, dotée d’un sens de l’humour affûté, qui a fait l’objet d’un livre, The Secret Life of Syrian Lingerie : Intimacy and Design [La vie secrète de la lingerie syrienne : intimité et
design]. “Un des livres les plus étonnants, je dirais même les plus bizarres, sur le monde arabe. C’est en tout cas le premier à explorer la culture arabe à travers le prisme de la lingerie
féminine, ce qui ne manquera pas de déchaîner discussions et controverses”, enchaîne Susannah Tarbush sur le magazine en ligne Qantara. Ce livre bigarré regorge de photos de dessous ornés de
toutes sortes de colifichets : oiseaux, papillons, plumes, faux scorpions, fleurs ou encore fourrure. Un festival de paillettes, de perles, de broderies et de pompons rehausse les ensembles. Il y
a les modèles qui se mangent et ceux qui recèlent des chocolats ou des œufs. Selon Ammar Abdulhamid, écrivain et militant politique syrien, “la société syrienne aborde la sexualité de front,
d’une manière très directe, ce que certaines personnes trouvent étrange car ce pays est censé être conservateur”. C’est ainsi que des femmes voilées achètent leurs dessous à des vendeurs de sexe
masculin. D’ailleurs, la tradition en Syrie veut que le trousseau de la future mariée soit bien fourni en sous-vêtements originaux, parfois plusieurs dizaines de pièces, offert le plus souvent
par ses amies, tantes et cousines pour pimenter la nuit de noces, la lune de miel et les nuits à venir. “Il arrive que l’on prévoie trente tenues pour la nuit de noces”, précise Ammar Abdulhamid.
Plusieurs personnes citées dans le livre affirment qu’une femme doit divertir son mari à la maison, y compris en dansant pour lui. Le sexe est un plaisir auquel les musulmans, à condition d’être
mariés, s’adonnent pleinement, et l’islam insiste sur l’importance des préliminaires, de la stimulation du désir et de la satisfaction des deux partenaires. D’ailleurs, lorsque l’un des deux
époux ne parvient pas à satisfaire l’autre – qu’il s’agisse de l’homme ou de la femme –, la loi coranique y voit un motif de divorce.
En tout cas, il est largement admis que si une femme “divertit” son époux cela le dissuadera d’aller vers d’autres femmes ou des prostituées, mais aussi de prendre une seconde épouse.
Quelques femmes ont accepté d’aborder le sujet, mais non sans réticences. “C’est tellement embarrassant pour les femmes syriennes de parler de lingerie ! C’est sans doute pour cela qu’on
l’appelle ‘la vie secrète’”, relève une femme. Une autre explique que, “pour les chrétiens, la lingerie est une chose embarrassante, un plaisir d’un autre temps. Pour les musulmans, c’est quelque
chose de tout à fait normal. Ils acceptent et ils aiment les sous-vêtements. Plus une région est religieuse, plus la lingerie est osée. Je pense que si les femmes musulmanes ont moins de liberté
à l’extérieur, en compensation, elles en ont plus à l’intérieur.”
Ali Nasser, l’un des fabricants de lingerie les mieux établis de Syrie, considère son travail comme un service public et un devoir religieux. “Notre tâche consiste à attiser le désir de l’époux
pour sa femme, pour qu’il n’aille pas voir ailleurs. C’est un travail honorable, il n’y a rien de mal à ça.” “Il n’y a pas de honte dans la religion”, ajoute le couturier, tandis que sort de sa
machine à coudre un string minuscule et scintillant".
Tonton Daniel