histoire

Publié le 21 Février 2024

Naviguer sur la Seine au Moyen-Age n'était pas chose facile mais se révélait malgré tout plus assuré que le transport des marchandises sur des voies terrestres mal fréquentées et pas très carrossables. En direction de l'amont, de part et d'autre des cités, le trafic fluvial nécessitait des chemins de halage où hommes et chevaux "chableurs" tiraient des navires de tonnages très variés. Dans la Capitale, ces chemins disparaissaient et la traversée de Paris n'était possible que grâce aux "avaleurs de nefs", pilotes professionnels appelés aussi "Maître des Ponts" puis "Chefs de ponts", dont la charge était réglée par une ordonnance du prévôt des marchands de Paris édictée en 1416.

Grâce à son débit plus faible, la Seine a toujours été un fleuve plus calme que le Rhône ou la Loire mais au XVe siècle à Paris ses rives sont beaucoup plus instables qu'aujourd'hui, les tourbillons fréquents et les crues périodiques. Les ponts aussi sont bien différents. Il n'en existe alors que deux en pierre (le Grand et le Petit pont) et ceux en bois, fragiles et instables, sont "maisonnés" et couverts de boutiques et de lieux d’habitation. Leurs arches étroites sont encombrées d'une multitude de poutres, de moulins sur pilotis bâtis en pleine eau et de bateaux-lavoirs.

Faire appel aux avaleurs de nefs est donc obligatoire... et très coûteux ! Ces marins d'eau douce se font rémunérer mais sont aussi douaniers et font payer un droit de passage proportionnel aux quantités transportées. Une fois la taxe réglée, l'avaleur utilise des cordes, des perches et une petite barque nommée "flette", il dirige, pousse, tire, aiguillonne les barges et bateaux de toutes tailles souvent attachés ensemble en de de véritables trains d’embarcations. Ce qui n'empêche pas quelques accidents enregistrés méticuleusement sur les actes juridiques de la Prévôté des marchands de la ville !

La charge officielle de l'avaleur de nefs ne sera supprimée qu'en 1854, après 400 ans de règne sur le fleuve. Souvent réaménagés en "voies vertes", investis par les peintres et les pêcheurs du dimanche, les chemins de halage sont aujourd'hui synonymes de rives arborées, de nature sauvage et de lenteur... et laissent parfois apparaitre au détour d'un méandre un panneau à la mémoire de vieux métiers oubliés...

Tonton Daniel
 

les avaleurs de nefs

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #paris - ile de france, #histoire

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Publié le 7 Février 2024

Oubliée entre deux voies ferrées à Asnières-sur-Seine près de Paris, la gare Lisch, dite aussi "Gare des Carbonnets" du nom de l'impasse qui y mène désormais, n'est plus que le symbole d'un temps révolu, une pitoyable ruine dont les verrières ont explosé sous le poids des ans et dont la charpente métallique s'est partiellement effondrée. Désaffectée depuis longtemps et aujourd'hui fermée au public, elle reste un édifice chargé d’histoire, au passé glorieux et au destin tragique.

Edifiée en bord de Seine par l'architecte Juste Lisch sur le Champ-de-Mars à Paris pour devenir le terminus ferroviaire de l'Exposition Universelle de 1878, la gare abrite alors quatre voies reliant la station Grenelle de la petite ceinture à l'esplanade du Champ-de-Mars à une époque où les transports en commun parisiens se résument aux fiacres et aux omnibus. Avec sa charpente métallique à remplissage de briques colorées et vernissées, ses deux quais de 180 mètres de long pouvant accueillir simultanément quatre trains, le bâtiment a fière allure en cette fin de XIXe siècle. Conservée pour l'Exposition Universelle de 1889, la gare aura bientôt pour voisine prestigieuse la Tour Eiffel vers qui elle amènera plus de deux millions de visiteurs.

Propriété de La Compagnie de l'Ouest, la gare est démontée pour laisser place à l'Exposition Universelle de 1900 et reconstruite en 1897 sur son site actuel en lieu et place d'ateliers ravagés par une tornade. Utilisée de 1924 à 1936 pour la correspondance à Bois-Colombes entre le tronçon électrifié venant de Paris-Saint-Lazare et celui à vapeur desservant la province, Argenteuil et Pontoise, "la gare électrique" est victime de la modernisation de la ligne, désaffectée rapidement et reconvertie en atelier dès 1937.

Abandonnée peu à peu et promise à la démolition en 1983, la gare Lisch est inscrite in extremis en août 1985 à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques et devient propriété de Réseau ferré de France en 1997. De nombreux projets de restauration se succèdent, Musée du Cheminot, Cité du Voyage, bureaux d'affaires partagés, café-restaurant ou espace événementiel, mais aucun ne sera jamais concrétisé. Enfin, l'association "Gare Lisch Renaissance" s'oppose à tout projet de démontage vers un nouvel emplacement car déménager le fragile édifice entraînerait automatiquement son déclassement en plus de compromettre sa survie. Un énième projet de réhabilitation est abandonné en 2021. La commune d'Asnières-sur-Seine décide alors de racheter le monument pour un demi-million d'euros en vue d'une rénovation complète. Mais aujourd'hui, arbustes et végétation ont remplacé les voyageurs, les avertissements de l'horloge ont laissé place à des courants d'air, le toit est éventré et l'escalier intérieur, faute de marches, ne conduit plus nulle part...

Contemporaine du célèbre Hangar Y lui aussi édifié à Paris pour l’Exposition de 1878, déplacé à Meudon pour servir de hangar à dirigeables et réhabilité en 2023, la gare Lisch aura-t-elle la même chance que lui et sera-t-elle reconvertie comme la gare d'Orsay en 1986 ou finira-t-elle au paradis des gares parisiennes comme avant elle les gares de la Bastille et de Tolbiac ?

Tonton Daniel
 

la gare lisch
la gare lisch

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #architecture, #paris - ile de france, #histoire, #le temps qui passe

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Publié le 29 Novembre 2023

Dans le cadre de l'émission "L'histoire au scalpel" diffusée jeudi sur France 5, le médecin légiste et anthropologue Philippe Charlier présentait l'étrange histoire des coeurs des rois Louis XIII et Louis XIV. Conservés dans des reliquaires en vermeil placés dans la chapelle des Princes de la basilique royale de Saint-Denis, les organes supposés des deux souverains ont été soumis à différentes analyses chimiques et techniques afin d'authentifier leur origine, paléopalynologie (étude des pollens anciens), radiographie (micro CT scanner), datation au carbone 14 ou protéomique (identification des protéines grâce à un spectromètre de masse). Les résultats obtenus concordent tous avec le profil des deux hommes mais, faute d'ADN exploitable, l'authentification ne peut être que partielle.

Mais au-delà de l'aspect médical et historique, les coeurs embaumés des rois dissimuleraient un autre mystère, celui des tableaux peints avec des pigments d'origine humaine ! Dès le XVIe siècle, la vente de momies de développe en Angleterre et atteint des records au XVIIIe grâce au courant romantique qui envahit alors l'Europe entière. Un temps broyés à fins médicinales pour d'imbéciles et prétendues vertus d'éternité, ces "objets de curiosité" macabres et exotiques ont très vite envahi le monde de l'art pour les mêmes raisons. Dénommé Mumiae, mummie, "terre de momie" ou encore "brun égyptien", le "brun de momie", pigment obtenu par broyage de momies égyptiennes, est utilisé par quelques peintres à l'imagination la plus saugrenue afin de rehausser leurs oeuvres d'un brun-rouge très particulier utilisé pour les glacis ou les ombres posées sur les visages et surtout afin de leur assurer une part d'immortalité.

Le commerce lucratif de momies antiques, humaines ou animales, vendues entières ou en morceaux, explique le nombre important de contrefaçons réalisées alors à partir d'un mélange de bitume, d'asphalte et de poix, substances proches des résines employées dans l'antiquité pour les embaumements. Lors de certaines pénuries, guérisseurs et charlatans ont recours aux corps de condamnés ou aux cadavres retrouvés dans les tourbières d'Europe du Nord mais quand le trafic reprend, il devient si important que de nombreuses momies importées du Moyen-Orient servent alors d'engrais au Royaume-Uni !

Inspirés par cette pratique séculaire, deux artistes français auraient, selon la légende, utilisé des fragments des coeurs des rois Louis XIII et Louis XIV pour incorporer une part d'éternité très symbolique dans leurs tableaux. Mythe ou réalité ? Après la profanation des corps à l'abbaye du Val de Grâce et le vol des coeurs, ceux-ci auraient été vendus à deux "petits maîtres", le portraitiste Martin Drölling et le paysagiste Alexandre Pau de Saint-Martin, le premier ayant également acheté plusieurs coeurs de la maison de France dont ceux d'Anne d’Autriche et de Marie-Thérèse d’Espagne. Peint en 1815, "Intérieur d’une cuisine" de Martin Drolling est exposé au Louvre qui refuse toute dégradation provoquée de l'oeuvre. C'est donc au musée Tavet-Delacour de Pontoise que Philippe Charlier va prélever d'infimes échantillons de peinture brune sur "Paysage au moulin, dit vue de Caen" peint vers 1810 par Alexandre Pau de Saint-Martin. Malgré le scepticisme général, le microscope électronique à balayage va y révéler sans aucun doute possible la présence de cellules et fibres musculaires cardiaques ! Impossible d'aller plus loin dans l'analyse et d'établir un lien direct entre le tableau et les reliques mais le résultat semble plutôt donner corps à la légende !

Les coeurs des rois Louis XIII et Louis XIV furent très rapidement restitués à leur descendant Louis XVIII lors de la Seconde Restauration. Quant au brun de momie, il est toujours vendu aujourd'hui dans le commerce. Un pigment minéral beaucoup moins envoûtant que son prédécesseur, ne contenant que carbonate de calcium, oxydes de fer et kaolin !

Tonton Daniel
 

les coeurs des rois et le brun de momie
les coeurs des rois et le brun de momie

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Rédigé par tonton daniel

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Publié le 22 Juillet 2023


Bonjour à tous

Visite fortuite et privée du mémorial de l'Escadrille Lafayette ce matin à Marnes-la-Coquette près de Paris.

Volontaires dès 1916, avant même l'engagement officiel des Etats-Unis dans le conflit en 1917, 267 aviateurs américains combattirent auprès des Forces de l'Entente durant la Première Guerre mondiale. Trente-huit d'entre eux firent partie de la mythique Escadrille Lafayette, constituée en 1916, placée sous commandement français et nommée en mémoire du marquis de La Fayette, héros français de la guerre d'indépendance des États-Unis.

A l'issue des combats, un impressionnant monument fut érigé en mémoire de la valeureuse formation et inauguré le 4 juillet 1928, jour de la fête nationale américaine, en présence du maréchal Foch et du président Paul Doumer. Sous l'esplanade située à l'arrière de l'arc de triomphe, de lourdes portes ouvragées cachent une crypte silencieuse et sobre où reposent 68 sarcophages et les dépouilles de 51 jeunes pilotes tués au combat ou victimes de l'épidémie de grippe espagnole de 1918.

Gérés aujourd'hui par l'ABMC (American Battle Monuments Commission), le mémorial, le centre d'accueil et le minuscule musée retraçant l'histoire du "Lafayette Flying Corps" symbolisent depuis près d'un siècle l'amitié franco-américaine pendant la Première Guerre mondiale.

Un grand merci à la guide-conférencière qui n'a pas hésité à ouvrir le lieu et faire revivre de manière impromptue et pendant quelques instants ce lieu exceptionnel, chargé de mémoire et propice au recueillement.

Tonton Daniel
 

le mémorial de l'escadrille lafayette
le mémorial de l'escadrille lafayette
le mémorial de l'escadrille lafayette
le mémorial de l'escadrille lafayette
le mémorial de l'escadrille lafayette
le mémorial de l'escadrille lafayette
le mémorial de l'escadrille lafayette
le mémorial de l'escadrille lafayette
le mémorial de l'escadrille lafayette

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Rédigé par tonton daniel

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Publié le 13 Mars 2023


Bonjour à tous

Entre 1628 et 1631, une terrible épidémie de peste fit plus de 50.000 morts dans la ville de Toulouse mais épargna quatre voleurs qui y furent arrêtés en flagrant délit alors qu'ils dépouillaient les cadavres de plusieurs pestiférés. S'introduisant depuis longtemps chez les malades, ils étaient en parfaite santé et reconnurent utiliser une macération de plantes et d'épices à base de vinaigre qui les protégeait de toute infection, la buvant et s’en frictionnant le corps régulièrement. Afin d'éviter le bûcher en place publique et de n'être "que" pendus haut et court, ils livrèrent la liste des ingrédients et la formule de cet élixir miraculeux contenant absinthe, romarin, sauge, menthe, rue, lavande, acore, cannelle, girofle, muscade, ail, ortie, thym et camphre.

En réalité, la préparation existait depuis le XIVe siècle et sa formule mise au point dans l'atelier de parfumerie et de pharmacie de la basilique Santa Maria Novella à Florence. A une époque où l'eau chaude était considérée dangereuse pour l'organisme, senteurs et vinaigres aromatiques étaient en effet utilisés pour la "toilette" et les soins du corps. Les quatre opportunistes s'étaient juste emparé d'une vieille recette italienne contenant plantes aromatiques et médicinales dont les principes actifs et les propriétés antiseptiques, dépuratives et tonifiantes étaient connus depuis fort longtemps. Qu'importe ! La légende du "Vinaigre des Quatre Voleurs" était née !

Réutilisée en 1720 à Marseille par d'autres brigands-détrousseurs lors d'une nouvelle épidémie de peste, la formule du "Vinaigre de Marseille" fit la fortune d'un astucieux distillateur-vinaigrier dont la marque subsiste encore de nos jours, fut officiellement inscrite en 1748 sous le nom de “Vinaigre antiseptique” au Codex de la Pharmacopée française et prescrite par les pharmaciens jusqu'en 1884 comme antiseptique naturel en usage interne ou externe. Anti-infectieux, anti-bactérien, anti-viral, antiseptique, antiparasitaire, dépuratif, stimulant et détoxifiant, le mythique Vinaigre des Quatre Voleurs est toujours commercialisé aujourd’hui et recommandé par phytothérapeutes et herboristes pour soigner affections cutanées et buccales, guérir infections des voies respiratoires ou renforcer le système immunitaire. Interdit aux enfants et aux personnes souffrant de troubles cardiaques en raison du camphre qu'il contient, le mystérieux breuvage au nom chargé d'histoires et d'aventures n'a pas fini de rapporter beaucoup d'argent à d'habiles et avisés commerçants !

Sources : Conférence olfactive de M.Bruno Hervé "Histoire de la parfumerie" (Osmothèque de Versailles) + Différents sites internet

Tonton Daniel
 

le vinaigre des quatre voleurs

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #le parfum, #histoire, #médecine

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