Publié le 24 Juin 2014

Bonjour à tous

"Il faut habiter à Paris." Par cette première et sibylline affirmation débute l'histoire d'Arnold Spitzweg, petit fonctionnaire d'âge indéterminé, depuis 30 ans guichetier à la Poste où il a parfois des problèmes avec son ordinateur, personnage principal et quasi unique du roman de Philippe Delerm "Il avait plu tout le dimanche". Le titre à la fois sombre et nostalgique de cet extraordinaire portrait distillé par petites touches à la manière d'un puzzle naïf est emprunté à Georges Simenon et à son "Maigret et l'homme du banc". Marcheur anonyme parmi la foule sous son parapluie et sous un ciel plombé, banale silhouette rappelant un dessin en noir et blanc de Sempé, M. Spitzweg est un simple passant, neutre et médiocre.

Arnold Spitzweg est en effet plutôt rond, plutôt dégarni, falot en apparence et pas très original. Provincial "monté" à Paris il y a bien longtemps, il est toujours resté célibataire, habite un petit deux-pièces dans le XVIIIe arrondissement de la Capitale, à mi-chemin entre "chic froid" et "promiscuité babylonienne", un quartier qui lui ressemble. M. Spitzweg est "un français moyen dans un quartier populaire de Paris", un homme qui "n'aime pas les vacances", pour qui la Dordogne et la Belgique sont des destinations exotiques et la blanquette une folie par rapport au petit salé. M. Spitzweg ne fait pas de grands projets, n'a pas de grandes idées, pas de grandes ambitions, il n'a pas de convictions religieuses ou politiques et ne va sans doute ni prier ni voter. M. Spitzweg vit dans le présent, mène une vie lisse et ne rêve pas d'absolu. Il affirme avec lucidité : "J'ai de la mémoire car je n'ai pas de souvenirs", collectionne les cassettes vidéo, s'achète un nouveau pull chaque automne et pense que "La fête de la musique est devenue fête du bruit". Ne trouvant jamais sa place, M. Spitzweg est un homme passif et résigné.

Mais ne vous y trompez pas, ce portrait d'un homme fondu dans la masse n'est qu'apparence. Sans avoir l'intelligence ou l'élégance du "Hérisson" de Muriel Barbery, cet homme-là a une vie intérieure bien remplie. Il dit lui-même ne pas connaitre le mot "ennui", va dans le métro comme on va au spectacle, "pour rencontrer l'Humanité" dit-il. M. Spitzweg est fier d'être parisien et dans les musées préfère le paysage vu par la fenêtre aux tableaux exposés. M. Spitzweg fume des cigarillos et dine chez Chartier, lit Simenon dans les cafés, a "le lyrisme solitaire" et serait capable de s'asseoir au bord d'une rivière sans pêcher. "M. Spitzweg n'est pas pressé" et profite de petits plaisirs fugaces que lui offre la vie. Le front contre la vitre, M. Spitzweg est un contemplatif épicurien.

Bien sûr, il y a Clémence Dufour, la collègue qui habite Bécon les Bruyères et qu'Arnold fréquentera un moment. Mais loin de ressembler à Amélie Poulain et vivant dans "l'irréductible médiocrité de la banlieue", Clémence Dufour ne pourra pas lutter longtemps contre ce nid, ce cocon protecteur, ce centre du monde en coquille d'escargot qu'est Paris. De la Défense au Palais-Royal, du Parc des Princes au passage Jouffroy, dans le métro et dans les expositions, sur les marchés et sur la Place du Tertre, admirant les marronniers au printemps et jouant avec les voiliers du bassin des Tuileries, Arnold Spitzweg revient toujours vers la Capitale et nous entraine avec lui dans une promenade aussi romantique que pittoresque, dans une ville aussi riche et colorée que lui semble terne et effacé. M. Spitzweg est amoureux de Paris.

Avec son style minimaliste, Philippe Delerm a réalisé autour d'un petit bonhomme sans importance une extraordinaire étude de caractère dans laquelle la sensualité l'emporte de beaucoup sur la mélancolie : plats mijotés, odeur des journaux frais, air d'accordéon dans le métro, "douceur d'un soir d'octobre"... Pour l'auteur de ce petit bijou, "chaque homme est une ile" autour de laquelle le temps qui passe s'écoule lentement... Sans heurt et sans passion, malgré les dimanches pluvieux, Arnold Spitzweg regarde passer les saisons jusqu'à la promesse de la dernière phrase du roman : "Il va neiger dans quelques jours"... Allons ! Il faut habiter à Paris !

Tonton Daniel

il avait plu tout le dimanche

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #littérature, #paris - ile de france

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Publié le 22 Juin 2014

Bonjour à tous

Mille milliards de fourmis sur notre petite planète déjà surpeuplée ! Quelqu'un les aurait donc comptées et recensées une par une ? Malgré cette incertitude et quel que soit leur nombre, cette vaste approximation sert de titre à l'exposition que présente le Palais de la Découverte à Paris jusqu'au 31 août prochain. Oubliez la trilogie fantastique de Bernard Werber ! Cette exposition scientifique, organisée autour de quatre zones (espace planète, le nid, la société, à la loupe), présente au visiteur toutes les particularités de ces insectes sociaux apparus sur Terre il y a 140 millions d'années.

Dès l'entrée, les salles d'exposition grouillent d'enfants courant dans tous les sens et criant leur enthousiasme devant des fourmilières en plexiglas de grandes dimensions dans lesquelles travaillent plusieurs colonies de fourmis. Car une fourmi n'est jamais seule et vit toujours en groupe, de quelques individus à plusieurs millions d'individus. Parmi les onze espèces vivantes présentées ici, la colonie de fourmis Atta Cephalotes (fourmis parasol ou fourmis champignonnistes) reconstituée ici sur plusieurs mètres est la plus impressionnante. Des ouvrières courent, se croisent, découpent des feuilles et retournent au nid avec leur précieux butin sans se préoccuper le moins du monde des visages penchés sur elles. "La Fourmi n'est pas prêteuse, c'est là son moindre défaut" écrivait Jean de La Fontaine... A priori, elle n'est pas non plus craintive !

Au fil des présentations, vous apprendrez que l'impact des fourmis sur l'Environnement au niveau planétaire est incalculable : oxygénant la terre, cultivant des champignons, modelant le paysage, protégeant certains arbres d'herbivores affamés, ces insectes sont indispensables au bon fonctionnement de leur écosystème. Vous apprendrez aussi que les fourmis communiquent par diffusion de phéromones et qu'elles se déplacent dans de véritables tunnels d'odeurs. Vous écouterez peut-être une fourmi qui stridule grâce à un animateur qui vous mettra fort à propos la fourmi à l'oreille... Vous apprendrez que dans un nid, aucune fourmi ne dirige, pas même la reine et qu'il n'y a pas de plan d'ensemble au fonctionnement de la colonie. On parle pour les fourmis, comme pour les abeilles et pour les termites, d'intelligence collective. S'adaptant immédiatement et en permanence à leur environnement, les 12.000 espèces de fourmis ont colonisé tous les milieux naturels, à l'exception des pôles et des hauts sommets.

Présentes partout sur la Planète, interagissant avec leur milieu naturel, exploitant espèces animales et végétaux myrmécophiles, divisant le travail et se faisant parfois la guerre à coup d'acide formique, les fourmis pourraient facilement rappeler une autre espèce animale envahissante et bruyante... D'ailleurs, dernière surprise et autre parallèle, vous apprendrez ici qu'environ 20 % des habitantes d'une fourmilière seraient en permanence inactives... Mille milliards de mille sabords !

Tonton Daniel

mille milliards de fourmis

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Rédigé par tonton daniel

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Publié le 19 Juin 2014

Bonjour à tous

Le piège Amélie Nothomb s'est une fois de plus refermé sur un pauvre lecteur innocent ! En 2005, la romancière au look excentrique a choisi l'univers sulfureux de la téléréalité comme sujet principal de son bien-nommé "Acide sulfurique". Mais attention ! Pas la télé-poubelle que nous servent sans vergogne et à longueur de journée des chaines pour adolescents qui ne méritent même pas d'être nommées ici, non, la téléréalité selon Nothomb est bien pire... Filmée dans un véritable univers concentrationnaire avec rafles, matricules, tatouages, humiliations, souffrances et mise à mort, l'émission "Concentration" combine à la fois les jeux du cirque donnés dans la Rome antique et toutes les horreurs, les aliénations et les abominations du système totalitaire nazi dans l'Europe du XXe siècle.

La mort annoncée et acceptée, sujet de spectacle filmé par des caméras anonymes ou en direct à la télévision, n'est pas un sujet nouveau. Sur le même thème des "TV death games", la littérature et le cinéma ont produit "La Dixième Victime" d'Elio Petri en 1965, "La Mort en direct" de Bertrand Tavernier en 1980, "Le Prix du danger" d'Yves Boisset en 1983 d'après Robert Sheckley, "Running Man" de Paul Michael Glaser en 1987 d'après Stephen King, et plus récemment "Battle Royale" de Koshun Takami en 2000 ou "The Hunger Games" en 2012 d'après Suzanne Collins.

Autant d'inspirations pour La Nothomb qui ajoute à la rencontre de deux concepts incompatibles sa très identifiable touche personnelle, des personnages hors du commun aux noms extravagants, quelques digressions religieuses et réflexions philosophiques un peu convenues ("La guerre révèle la nature profonde des êtres"...) et la projection de son ego sans borne sur une héroïne exceptionnelle aussi angélique que télégénique : comme elle le suggère dans la quatrième partie, Dieu et l'écrivain n'ont-ils pas en commun leur pouvoir de création ainsi que le droit de vie et de mort sur leurs créatures !?

"Acide sulfurique", c'est aussi la rencontre et le choc de deux personnalités a priori incompatibles, des rapports sado-masochistes non exprimés, le fascinant et inextricable spectacle de l'Amour et de la Haine enchainés l'un à l'autre depuis la nuit des temps. C'est enfin la dénonciation de la bêtise humaine, de la course à l'audimat, des manipulations de masse et de la passivité du public qui de nos jours a de plus en plus de difficulté à distinguer le réel des journaux télévisés du virtuel des jeux vidéo.

Malgré le malaise provoqué par cette lecture dérangeante, difficile de lâcher cet "Acide sulfurique" aussi noir que cynique et improbable. Entre écoeurement et fascination, la fin du livre arrive très vite, amère et légèrement décevante... Décevante car pas assez dramatique... Décevante car pas assez mortelle... Décevante car non conforme à l'attente du lecteur... Un lecteur odieux qui finit peu ou prou par réagir comme le téléspectateur monstrueux de "Concentration"...

Je vous l'ai dit ! Le piège diabolique d'Amélie Nothomb s'est une fois de plus refermé sur un pauvre lecteur innocent !

Tonton Daniel

acide sulfurique

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Rédigé par tonton daniel

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Publié le 17 Juin 2014

Bonjour à tous

Pointant vers le ciel et les étoiles depuis 3000 ans, le plus ancien monument de Paris semble imperturbable au temps qui passe... L'obélisque de la place de la Concorde, taillé et érigé pour le pharaon Ramsès II au 13e siècle avant notre ère, a fait au XIXe siècle un long et périlleux voyage depuis l'Egypte pour rejoindre son emplacement actuel. C'est l'histoire de cette épopée que retrace aujourd'hui l'exposition "Le voyage de l'obélisque" présentée à Paris au Musée de la Marine jusqu'au 6 juillet prochain.

Nous sommes en 1830. La campagne d'Egypte de Napoléon Bonaparte est terminée depuis plus de 30 ans, le pays est à la fois sous tutelle ottomane et sous influence britannique. Suivant les habiles conseils de Champollion, le vice-roi d’Égypte Méhémet Ali qui désire faire un cadeau à la France offre à Charles X les deux obélisques couverts de hiéroglyphes érigés devant le temple de Louxor. Cadeau impressionnant, cadeau de poids, cadeau délicat ! Il faudra attendre plusieurs années avant la livraison du colis !

Pour commencer, il faudra désensabler le monument de droite sous les ordres de l'ingénieur Apollinaire Lebas, raser une trentaine de maisons situées sur le chemin jusqu'au fleuve, créer un petit village pour l'équipe d'ouvriers, apporter vivres et matériels introuvables sur place, construire un bateau spécial pour le transport, le Luxor. Avant le délicat basculement, on découvrira une fissure de 8 mètres à partir de la base de l'aiguille nécessitant la création d'un coffrage en bois protecteur et cette fissure est toujours visible aujourd'hui sur le côté de l'obélisque faisant face à la Seine. Puis, ce seront des températures de 50°C, des épidémies de choléra, de malaria et de dysenterie. On attendra sept mois la crue du Nil permettant la navigation du Luxor jusqu'à la Méditerranée. Remorqué par un deuxième navire, le Sphinx, le Luxor subira tempêtes, quarantaine à Toulon et devra encore attendre une crue de la Seine à Rouen avant de remonter vers Paris...

Le choix de l'emplacement par l'architecte Hittorff est adopté par la ville de Paris et c'est sur l'air des "Mystères d'Isis" de Mozart que 200 000 parisiens assisteront le 25 octobre 1836 à la deuxième érection de l'obélisque à son emplacement actuel. Il aura fallu attendre cinq ans et deux jours pour redresser le monument de 23 mètres et de 230 tonnes... et beaucoup moins de temps pour décider de laisser son frère jumeau à sa place devant le temple de Louxor ! Pour l'anecdote, ce dernier fut officiellement "restitué" à l'Egypte en septembre 1981 par le président François Mitterrand, ami et visiteur fidèle du soleil de Haute-Egypte. Autre anecdote, le piédestal d'origine représentait seize babouins dressés sur leur pattes arrière et au sexe proéminent... Impensable pour la France de 1830 ! Il sera donc exposé un peu plus loin, dans la section des antiquités égyptiennes du musée du Louvre où on peut toujours le trouver, et remplacé par un socle beaucoup moins suggestif !

Les égyptiens de l'Antiquité considéraient leurs obélisques comme des rayons de soleil pétrifiés, liens entre la terre des Hommes et la demeure des Dieux. Pour la plupart dispersés au fil des siècles dans les grandes capitales du monde (Rome, Istamboul, Paris, Londres, New-York...), ils ne sont plus que quelques-uns à demeurer sur la terre des pharaons, à pointer pour l'éternité leur pyramidion vers le ciel et les étoiles, à nous guider dans un voyage immobile et silencieux vers l'infini...

Tonton Daniel

Pour mon séjour en Egypte (épisodes 1 et 5 autour de l'Obélisque inachevé d'Assouan et de l'Obélisque de Louxor) :

http://tontondaniel.over-blog.com/article-au-pays-de-pharaon-1-40616199.html

http://tontondaniel.over-blog.com/article-au-pays-de-pharaon-5-41047798.html

Pour les expositions au Musée de la Marine :

http://tontondaniel.over-blog.com/article-paquebot-france-78975647.html

http://tontondaniel.over-blog.com/2013/11/oman-et-la-mer.html

le voyage de l'obélisque
le voyage de l'obélisque

Photo prise devant le temple de Louxor lors de mon voyage en Egypte en septembre 1990 :

le voyage de l'obélisque

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #paris - ile de france, #histoire

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Publié le 15 Juin 2014

Bonjour à tous

Encore une perle trouvée sur le net !

Tonton Daniel

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Rédigé par tonton daniel

Publié dans #humour, #internet et informatique

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