Bonjour à tous
Dans le Saint Empire Romain Germanique, pendant une période incertaine du Moyen-Age, les chemins de deux jeunes hommes que tout oppose a priori vont se croiser dans les couloirs d'un monastère.
Ces deux êtres complémentaires sont Narcisse et Goldmund, les héros éponymes du récit écrit en 1930 par l'allemand Hermann Hesse qui fera naitre entre eux une amitié que rien ne laissait
présager. Tel Achille dans la mythologie grecque qui préféra un jour une vie courte et glorieuse à une vie longue et terne, Goldmund quittera cloitre et discipline pour mener une vie errante
d'artiste hédoniste, accumulant les expériences qui nourriront son inspiration esthétique et artistique. Quant à Narcisse, il deviendra plus tard l'abbé du monastère où, sans le quitter, il
affrontera lui aussi des épreuves personnelles. Après leurs retrouvailles, chacun des deux amis finira par admirer et envier le choix de vie de l'autre...
Au long des pages de ce voyage initiatique, les symboles foisonnent, et en particulier celui de l'arbre, à la fois enraciné dans le réel comme Narcisse et laissant ses branches plier au gré du
vent comme Goldmund. Dans l'ordre d'apparition, le premier personnage du récit est d'ailleurs un chataignier "au tronc puissant" et "au coeur plein de tendresse". Viennent ensuite les calmes
tilleuls du monastère, la verdure des buissons d'aulnes, l'ombre des bouquets d'érables, les frênes recouverts de neige, la sérénité et la solidité des grands chênes... C'est près de grands pins
que Goldmund aura sa première expérience amoureuse et ce sont des pins blancs "très gros" et "tout droits" qui lui rappelleront pendant son voyage les colonnes et les piliers du monastère. Plus
tard, des arbres fruitiers mettront en relief la fragilité de la vie humaine pendant une épidémie de peste. Les bois de hêtre sont destinés à la cheminée, les bois de bouleaux servent de refuge,
et des "pins tordus et rougeâtres" sont annonciateurs de la mort d'une femme avant que Goldmund émerge des saules à la recherche de l'amour... Enfin, vient le retour de l'enfant prodigue à son
point de départ. Son premier geste en mettant pied à terre est de porter "avec tendresse la main sur le tronc" du chataignier solitaire dont les "écorces éclatées et piquantes répandues sur le
sol" illustrent évidemment les aléas et les revers de cette vie d'errance. A partir d'ici et jusqu'à la fin, si nous ne trouvons plus qu'un vieux pommier aux branches tordues, un stock de bois
abattu et pour finir un arbre désséché "mort à jamais", une dernière image est destinée à nous faire comprendre que nous faisons partie d'un tout malgré nos différences : "Ce que, au cours de
plusieurs siècles, on avait ici bâti, ciselé, peint, vécu, pensé, enseigné avait un air de famille, provenait d'un même esprit, et s'accordait ensemble comme s'accordent les branches d'un même
arbre".
"Narcisse et Goldmund" est un récit initiatique caractéristique de l'oeuvre de Hesse. On y retrouve le ton un peu mièvre hérité du romantisme allemand et tous les thèmes chers à l'auteur : la
dualité intrinsèque de la nature humaine avec "l'opposition entre vie active et vie contemplative", la recherche d'une certaine spiritualité, "l'instabilité de toute existence", la fugacité du
bonheur, la futilité des passions, la liberté, l'amour, le doute permanent face au sens de la vie... "La vie était belle, beau et fugitif le bonheur, belle et si vite fanée la jeunesse"...
La beauté et l'art comme moyen de sublimer les passions humaines tiennent également une grande place dans "Narcisse et Goldmund" : "La source de tout art et sans doute aussi de toute pensée
est-elle la crainte de la mort" écrit Hesse qui adjoindra au sculpteur Goldmund un apprenti pour la transmission du savoir et afin de "se survivre à lui-même". Dans cet ouvrage
quasi-philosophique, on pense aussi à Voltaire et à son Candide quand Narcisse reconnait qu'il est "plus courageux et plus noble" de "cultiver un beau jardin d'harmonieuses pensées". Enfin, un
thème pas assez relevé est aussi celui de l'amitié entre deux personnalités différentes, celui des contraires qui s'assemblent, celui du conflit entre raison et passion, entre pragmatisme et
idéologie.
Au final, même si Herman Hesse semble prendre parti en ne laissant survivre qu'un seul de ses deux personnages, ce récit ne vous aidera pas à choisir un chemin de vie, celui de Narcisse ou celui
de Goldmund. C'est peut-être la morale pessimiste de l'oeuvre : nous disparaitrons tous un jour, même en laissant une trace quelconque de notre passage et quelle que soit la voie que nous
empruterons !
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hermann_Hesse
"L'art, c'est la plus sublime mission de l'homme, puisque c'est l'exercice de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre." (Auguste Rodin)
Tonton Daniel